Dans le tourbillon des événements, des déclarations et des commentaires, comment s’y retrouver ? A Paris, les médias célèbrent les idées et l’action décisive de Nicolas Sarkozy pour « mobiliser l’Europe » et réorganiser le monde. Partout en France, monte la colère des victimes immédiates de la crise économique et de tous ceux qui s’indignent des milliards qu’on trouve pour les banquiers dans les caisses d’un Etat déclaré « en faillite » par François Fillon. Incompréhension majeure, d’autant plus grave que le Parti socialiste, infidèle à sa vocation, ne donne pas d’expression politique à ce mouvement de révolte.

Nous approuvons, quant à nous, le principe du sauvetage du secteur bancaire : tous les citoyens et toute l’économie nationale auraient souffert d’un assèchement du crédit. Mieux : nous approuvons maints principes énoncés par Nicolas Sarkozy dans son discours d’Argonay le 23 octobre dernier. Il est vrai que cette crise « structurelle » remet en valeur le pouvoir politique et impose l’intervention décisive de l’Etat dans l’économie. Il est vrai que « l’idéologie de la dictature des marchés et de l’impuissance publique est morte avec la crise financière ». Et Nicolas Sarkozy a raison de dire qu’il faut fonder une nouvelle organisation monétaire et financière du monde, promouvoir l’entrepreneur contre le spéculateur dans une Europe à nouveau soucieuse de politique industrielle et commerciale, soutenir l’activité économique nationale, étendre la protection sociale.

Ces principes justifient tous ceux qui, comme nous, se sont immédiatement opposés à l’ultralibéralisme. Il est heureux que Nicolas Sarkozy reconnaisse de manière implicite qu’il s’est tragiquement trompé tout au long de sa vie politique et qu’il porte une lourde responsabilité dans les erreurs et les fautes qui ont été commises depuis entre 1986 et 1988 et depuis la victoire de Jacques Chirac en 2002.

Ce passé sinistre pourra être oublié si l’adhésion à de sages principes politiques engendre la « révolution » que nous espérions et formulions sous les moqueries et dont l’urgence est aujourd’hui officiellement proclamée.

Nous deviendrions volontiers sarkozistes s’il y avait cohérence entre les intentions proclamées et les décisions effectives. Tel n’est pas le cas.

Nicolas Sarkozy a proposé le 23 octobre un « gouvernement économique » assuré par un Eurogroupe que dirigeraient les chefs d’Etat et de gouvernement. Le « gouvernement économique » de l’Union européenne est une ânerie deloriste que nous avions naguère dénoncée. Elle est aggravée par de nouvelles idioties : l’Eurogroupe n’a pas d’existence légale et on ne voit pas comment une structure « informelle et non décisionnelle » pourrait encadrer quoi que ce soit ; pour l’instituer, il faudrait réécrire plusieurs articles du traité de Lisbonne rejeté par l’Irlande et articuler l’Eurogroupe, le Conseil européen et la Commission – autrement dit implanter une nouvelle structure dans l’usine à gaz. Nicolas Sarkozy voudrait être le président de ce machin mais la chancelière allemande s’y opposera et la désignation de Jean-Claude Juncker, Premier ministre d’un paradis fiscal, serait un pur scandale. Conclusion : Nicolas Sarkozy sera révolutionnaire s’il prend acte de la faillite de la « gouvernance européenne » et s’il provoque une crise salutaire en vue de la fondation d’une confédération européenne.

Le financement des banques n’est pas moins incohérent : le circuit compliqué qui a été retenu permet de rassurer « le contribuable » (1) et surtout de s’en remettre au « marché » dès que la crise sera passée. De fait, l’intervention de l’Etat vantée par Nicolas Sarkozy ne sera efficace qu’à une première condition : la nationalisation du crédit.

Le soutien aux entreprises doit s’accompagner d’une protection douanière de l’Union européenne et, en France, d’une stimulation de la demande par augmentation massive des salaires. Nicolas Sarkozy sera révolutionnaire s’il privilégie les salariés au détriment des rentiers…

Ce serait là un programme minimum. Nous pouvons faire plus, et mieux…

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(1) Il faudrait cesser de fragmenter le citoyen, considéré tantôt comme un contribuable, tantôt comme un consommateur, tantôt comme un producteur. Nous sommes tout cela à la fois et nous sommes tous capables d’exprimer des préoccupations d’ordre général.

 

Editorial du numéro 934 de « Royaliste » – 3 novembre 2008

 

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