Oligarques : Leur inertie

Oct 6, 2008 | Economie politique

 

Nous ne nous réjouissons pas de l’échec patent du capitalisme financier. Il s’était construit sur le vol et sur l’exploitation et il engendrait, dans sa phase triomphale, d’innombrables souffrances. L’effondrement de ce système sera catastrophique pour les économies nationales et pour des dizaines de millions de citoyens aux Etats-Unis et en Europe de l’Ouest.

Grâce à plusieurs chercheurs, grâce aux documents qu’ils nous transmettaient, nous avons bien anticipé cette crise systémique et nous souhaitions que le chef d’Etat et le gouvernement réagissent avec vigueur en France et au sein de l’Union européenne. Comme cette crise financière venait s’ajouter aux désastres engendrés par la politique de la Banque centrale européenne et par l’ultra-concurrence, nous réclamions, avec d’autres, la rupture immédiate avec l’ultralibéralisme : augmentation des salaires, nationalisation du crédit, protection de l’économie européenne, réforme des statuts de la BCE…

Tel était le programme minimum, dont on trouve des éléments dans divers discours de Nicolas Sarkozy, qui pouvait rassembler les principales forces politiques français et une large majorité de citoyens dans un sursaut national – exemplaire pour d’autres gouvernements et d’autres peuples européens. Ce programme nous aurait permis de résister sur tous les fronts – financier, monétaire, industriel, commercial – tout en préparant une réforme radicale du système monétaire international et une réorganisation des échanges internationaux.

Rien de tout cela n’a été tenté ni même envisagé. Malgré les analyses dont elle disposait, la « gouvernance » a continué de tenir des discours contradictoires qui masquaient son inaction. En octobre 2007, il était clair que la crise du crédit hypothécaire aux Etats-Unis aurait des conséquences gravissimes en Europe de l’Ouest – tout particulièrement en Grande-Bretagne, en Espagne et en Allemagne mais aussi en France. Pourtant, en janvier dernier, Christine Lagarde affirmait que la purge boursière était nécessaire, François Fillon répétait que les fondamentaux étaient bons et Nicolas Sarkozy évoquait une crise américaine. Au même moment, le supposé président clamait que le capitalisme marchait sur la tête et demandait des sanctions contre les dirigeants de la Société générale.

Aujourd’hui, le gouvernement admet que la crise est systémique et reconnaît que la France est et sera durement touchée. Mais François Fillon avait annoncé en août dernier que le gouvernement ne réagirait pas à la catastrophe ultralibérale et… poursuivrait les réformes ultralibérales. Nous sommes toujours pris au piège de ce double langage et de cette gestion chaotique. Dans les discours qu’il a prononcés en septembre à New York puis à Toulon, Nicolas Sarkozy a de nouveau dénoncé les responsables du « désastre » et réclamé des sanctions contre ceux-ci. Après avoir déclaré qu’il fallait opposer au capitalisme financier le « capitalisme des entrepreneurs », annoncé qu’il serait mis fin aux « abus et aux scandales » (les fameux parachutes dorés), déclaré qu’il fallait « réglementer » les banques et « remettre à plat » le système monétaire et financier international, l’orateur a affirmé qu’il ne changerait pas une politique… inspirée par l’orthodoxie libérale.

Au ministère de la parole, Nicolas Sarkozy ferait un chroniqueur tout à fait acceptable. Dans un même texte, il peut aligner plusieurs séries de propositions contradictoires qui permettent de rassurer ou de satisfaire tout le monde. Efficace en campagne électorale, le procédé ne résiste pas une seconde à l’examen. Partisan du crédit hypothécaire en 2007, Nicolas Sarkozy a annoncé à plusieurs reprises qu’on allait en finir avec les privilèges des patrons et les folies des financiers. Mais rien n’a été fait et Bernard Tapie bénéficie d’un arrangement qui fait scandale…

Nicolas Sarkozy préside depuis le 1er juillet le Conseil européen et déclare à Toulon que « la concurrence est un moyen, pas une fin en soi » ou encore que « l’autorégulation ne fonctionne plus » mais l’Eurogroupe a décidé le 12 septembre de laisser jouer les « stabilisateurs automatiques » et la Commission européenne a refusé le 25 septembre tout plan de sauvetage des banques.

Les peuples et les nations de l’Union européenne paieront très cher ces inconséquences et cette inertie.

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Editorial du numéro 932 de « Royaliste » – 6 octobre 2008

 

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