En cette période de confusion, il faut garder à l’esprit la formule de Claude Nicolet : « La République est une pédagogie » (1). Le respect de la res publica, le souci du bien commun, la soumission à la règle de droit, l’intelligence de la Constitution – tout cela s’enseigne. Pas seulement à l’école et à l’université : le peuple tout entier doit pouvoir être enseigné et renseigné.

En ce sens, la res publica n’est jamais élitiste : les militants, les journalistes, les chefs de parti, les intellectuels, les candidats doivent, chacun à sa manière, selon son métier ou sa tradition, sans cacher ses intérêts et ses ambitions, prendre part à la tâche commune.

Il y a une pédagogie par l’exemple : celle du ministre qui n’exerce pas sa fonction en couple, celle du chef d’Etat qui respecte les décisions du suffrage universel.

Il y a une pédagogie du discours : Jean Jaurès, Léon Blum, Pierre Mendès-France, Charles de Gaulle défendaient leurs idées tout en élevant les esprits.

Il y a une pédagogie de la confrontation : aussi violentes soient-elles, les grandes polémiques deviennent, après coups, des chefs d’œuvre de la littérature politique.

Il y a pédagogie dès qu’il y a expression d’une conviction, désir de communiquer une vérité sans doute partielle ou partiale mais inspirée par un idéal raisonné.

Cette exigence pédagogique est niée depuis une trentaine d’année : les marchands de sondages et les communicants ont pu détruire l’enseignement de la res publica parce qu’il y avait crise de la vérité et rejet de l’autorité. La pensée et la parole publique pouvaient dès lors être facilement manipulées jusqu’à l’insignifiance.

C’est ainsi que nous sommes aujourd’hui les auditeurs impuissants et furieux de discours qui dépassent en malfaisance la démagogie ordinaire. Les principaux candidats, trahissent chaque jour la lettre et l’esprit de la 5ème République. Incapables d’inventer une « sixième république », ils ont créé une invraisemblable fiction institutionnelle, présidentialiste et caricaturalement monarchique. A les entendre, le président de la République décide de tout, immédiatement, avec l’assentiment des militants d’un parti où l’on mime la démocratie dans le culte effréné du chef ou de la cheftaine.

Ségolène Royal a joué à la « démocratie participative » pour prendre le pouvoir au sein du Parti socialiste mais c’est le discours d’une autocrate que nous entendons depuis le début de la campagne : « Je lancerai tout de suite les emplois-tremplins. Je dispose d’un levier majeur, les régions… ». Parmi les autres priorités de la future ( ?) présidente, la préparation de la rentrée scolaire, une loi sur la violence faite aux femmes et sur l’accès gratuit des jeunes à la contraception – comme si elle était chef du gouvernement et dirigeait les principaux ministères. La candidate socialiste ne parle pas autrement que Jacques Chirac, qui avait donné la priorité à la lutte contre le cancer et contre les accidents de la circulation.

Nicolas Sarkozy est dans la même logique lorsque, en pleine contraction avec les discours gaullistes que lui rédige Henri Guaino, il dévide son programme ultralibéral et annonce « le contrat de travail unique inspiré du CNE » et autres mesures de régression sociale.

François Bayrou invoque l’arbitrage, mais il annonce qu’il créera un nouveau parti – dans le mépris radical de la fonction présidentielle.

On nous dira que tout cela n’est que manière de dire – toutes les décisions des candidats supposant, bien entendu, l’élection d’une majorité parlementaire conforme à leur désir. Mais point de déclarations, quant à cette hypothèse implicite. On affirme  que François Bayou n’aurait pas de majorité s’il entrait à l’Elysée, mais il est tout à fait possible que l’élection de Nicolas Sarkozy provoque une réaction en faveur de la gauche et une cohabitation qui paralyserait le nouveau président. Il n’est pas impossible non plus que, Ségolène Royal étant élue, la coalition des députés de gauche soit trop faible pour qu’un gouvernement ségoléniste soit durablement investi.

La 5ème République est un régime parlementaire. Les élections législatives ont lieu les 10 et 17 juin. Il serait temps que les Français sont clairement informés des situations de crise qui pourraient en résulter.

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(1) Claude Nicolet, Histoire, Nation, République, Odile Jacob, 2000.

 

Editorial du numéro 900 de « Royaliste » – 19 mars 2007

 

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