Deux amis, qui portent d’ordinaire sur la Nouvelle Action royaliste un regard attentif et plutôt bienveillant, m’écrivent pour lui reprocher d’avoir choisi de voter blanc le 7 mai. Un reproche en forme d’accusation : nous voici complices du Front national et donc responsables de l’établissement d’une dictature si Marine Le Pen est élue ! L’Allemagne des années trente est évoquée et même le risque de guerre. Je prends ces accusations très au sérieux car elles font écho à des thématiques dominantes dans le débat public et j’y réponds parce qu’elles nous sont adressées sur un mode consterné : vous, les royalistes de la NAR, vous ne pouvez pas faire ça !
Mais quoi donc ? Pour les partisans du vote Macron, le vote blanc est égal à l’abstention qui est vue comme une indifférence à l’égard du Front national, et même comme une complaisance à l’égard du pire. Quelle indifférence ? Nous voterons blanc à la suite d’une décision. Cette décision exprime l’impossibilité de désigner un candidat, ne serait-ce que le « moins pire ». Hélas, il y a une illusion du « moins pire » : Emmanuel Macron est l’un des plus récents artisans des politiques de rigueur qui, depuis 1983, poussent des fractions croissantes de l’électorat vers le Front national. Il n’a pas d’autre ambition que de prolonger et de durcir la logique ultralibérale qui a déjà fracturé la France et qui creusera encore le fossé entre les classes ou groupes sociaux.
C’est la classe dirigeante qui fait le jeu du Front national – par tactique, par bêtise, par arrogance… La Nouvelle Action royaliste s’est engagée dès 1984 dans le combat contre le Front national, après avoir combattu la Nouvelle droite dans les années soixante-dix. Nous avons publié d’innombrables textes, nous avons manifesté à d’innombrables reprises, je suis intervenu à l’Elysée au temps de François Mitterrand pour dénoncer les discours irresponsables et les postures imbéciles qui n’empêchaient pas la progression frontiste mais je n’oublie pas que la droite a légitimité la propagande xénophobe en décidant la réforme du code de la nationalité et en lançant le débat sur « l’identité nationale ».
Il y a vingt ans, avec l’approbation de mes camarades, j’ai démontré dans un livre (1) que le nationalisme xénophobe était contraire à notre tradition nationale mais que le Front national de Jean-Marie Le Pen n’était ni fasciste, ni nazi. Je maintiens que le Front national de Marine Le Pen est un parti nationaliste qui véhicule une conception ethnique de la nation mais qui ne dispose ni de l’idéologie totalitaire, ni du chef divinisé, ni des groupes de combat chargés de faire régner la terreur avant la prise du pouvoir (2). La seule comparaison entre la France de 2017 et l’Allemagne de 1932, c’est la politique déflationniste – celle de la zone euro, celle de Brüning – qui pousse les classes moyennes et populaires vers le Front national comme naguère vers le parti national-socialiste.
Ces raisonnements ne peuvent dissiper la peur qui s’est emparée de nombreux citoyens. Peur prévisible (3), largement exploitée par Emmanuel Macron mais dont le Front national est le premier responsable parce que les thèmes xénophobes développés depuis 1984 ont été diffusés jusqu’à une date récente par des dirigeants frontistes, par les groupes identitaires et par des compagnons de route qui souhaitent ouvertement la guerre civile. Pendant la campagne, Marine Le Pen a lissé son discours mais elle ne peut effacer la peur qu’elle provoque. J’ai dit et je maintiens qu’en cas de victoire elle serait incapable d’appliquer son programme : elle ne peut pas renvoyer le gouvernement actuel, et pour que Nicolas Dupont-Aignan devienne Premier ministre après les élections législatives, il faudrait que le Front national obtienne la majorité à l’Assemblée nationale alors que les calculs les plus optimistes lui accordent une centaine de députés. Mais son élection le 7 mai augmenterait la peur dans des proportions considérables et provoquerait dans la rue et dans divers quartiers des troubles qui seraient très difficiles à contrôler.
Le vote Le Pen est donc déraisonnable voire dangereux mais je ne peux oublier ces innombrables Français en colère qui veulent voter frontiste sans apprécier la candidate ni adhérer à son programme mais pour donner une leçon à la classe dominante. Aux humiliés et aux exploités, il est inutile de dire qu’il faut voter Macron et qu’ensuite ils pourront se battre contre sa politique. Ils savent qu’entre deux périodes électorales, rien ne leur est accordé. On leur avait promis après Maastricht de « réduire le déficit démocratique », puis en 2002 de « réduire la fracture sociale » mais on n’a pas respecté le résultat du référendum de 2005 et la fracture sociale est plus grave que jamais. Les grèves et les manifestations organisées par les syndicats sont quant à elles dénoncées comme attentatoires à la compétitivité nationale – nous l’avons encore vu lors de la campagne contre la loi El Khomri. Dès lors, ces humiliés et ces exploités veulent se servir de Marine Le Pen comme d’un bélier et les médias qui diffusent le politiquement correct sont des pousse-au-crime. C’est cette fraction exaspérée de l’électorat que nous côtoyons et que nous comprenons assez pour dire ceci :
Il est inutile de donner à des citoyens exaspérés des leçons de sagesse politique et de morale. On peut tout juste les retenir de voter Le Pen en leur offrant le vote blanc comme tierce solution entre la politique du pire et la pire des politiques. Le vote blanc est un choix d’attente et l’attente suppose une espérance. Cette espérance est aujourd’hui d’une fragilité extrême. On a tort d’en faire une menace pour la démocratie et pour la France elle-même.
J’ai écrit cette chronique au matin du Premier Mai, avant d’aller manifester, dans les rangs de mon syndicat, de la République à la Nation.
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(1) Une tragédie française, Le Front national contre la nation, Ramsay, 1997.
(2) Cf. Nicolas Patin, La catastrophe allemande, Fayard, 1994 et ma présentation de l’ouvrage sur ce blog : https://bertrand-renouvin.fr/allemagne-dune-guerre-lautre/
(3) Cf. sur ce blog mes trois lettres à Marine Le Pen de 2014 et plus particulièrement : https://bertrand-renouvin.fr/lettre-a-marine-le-pen-3-chronique-78/
bravo pour ta chronique , mais quelle déception de voir nicolas dupont aignan s’allier au fn, bien sûr vote blanc
Amitiés
Très bien.
Je relaie ton billet sur mon facebook.
Cordialement.
Démonstration lumineuse et fort juste!
Félicitations.
Pas d’accord pour affirmer que le FN n’est pas fasciste, lequel se définit par le culte de la violence (vocabulaire violent de JMLP entre autres), le culte de la personnalité (les Le Pen), les tendances totalitaires à l’intérieur et à l’extérieur, l’entretien d’une milice armée (voir reportage sur les hommes de l’ombre à la télé) , une idéologie raciste (combien de condamnations de JMLP?), une politique économique d’inspiration corporatiste (sortie EU, préférence nationale). Non, le FN est d’inspiration totalitaire et fasciste selon mon point de vue.
Merci de cette chronique que je trouve trés pertinente et dont le fond aurait été plus juste à appliquer dés la semaine derniére. Je continue à ne pas comprendre le choix du 1er tour, que je n’d’ailleurs pas suivi. Entre la banque et la dictature, la démocratie devrait être le choix de tout Monarchiste digne de Foi. Ce sera chose faite dimanche.
Analyse intéressante et courageuse, mais rien sur le sociétal. IL n’y a pas que la famille , il ya le vide sidéral à l’école, premier lien socila, qui nourrit les dérives, elles populistes du Djihad . l’économie n’est pas tout. Le lien social existe, il préexiste à l’économie. La gauche est dans une impasse radicale depuis des siècles, ,la doite claissuqe n’ a pas de vraie conviction, sinon de survivre à de pauvres privilèges, on pense à Jean D’Ormesson, qui pense survivre à ce pauvre Macron et se raillie à lui, let emps qu’il s’effondre e tnosu avec! . Reste et c’est la seule ligne de démarcation, ceux qui aiment encore leur pays, à gauche pou à droite, et ceux qui veulent en finir avec lui. On peut encore résister avec Marine le Pen , plutôt Marion malgré ses ambiguïtés. Il est impossible de résister avec Macron., qui est , lui, un extrémiste et un fauteur de troubles . . Donc il faut choisir: vote blanc ou vote Marine le Pen ; Quant à l’argument s des troubles il serait encore pire de reculer devant les nervis auteur de ces troubles. le sang et la décapitation n’ont jamais i rien fondé avis aux nihilistes. Reculer, c’est faire le lit de l’innommable et de la terreur., déjà en action. ,
Je partage entièrement le premier commentaire ci-dessus.
Amitiés.
Il est bien difficile de faire entendre la voix de la raison.
M. Macron est passé d’un centre magique à un extrémisme de proximité. M. Treteau, dans Famille Chrétienne, déclare sa haine de la Révolution Française avec une véhémence inquiétante. Un autre lieutenant de M. Macron déclare, à la télévision, qu’En Marche est pris dans une tenaille entre une mâchoire rouge et une mâchoire brune. Cet appétit frénétique du pouvoir, qui méprise tous les adversaires, doit nous inquiéter.