Dans un entretien publié par la presse allemande, le président du Conseil Européen a souligné le manque d’intérêt des citoyens des pays-membres de l’Union européenne pour les élections du 25 mai. Puis il a déclaré que tout était « effectivement décidé ailleurs » qu’au Parlement européen et contesté une élection du président de la Commission à partir des têtes de listes aux élections européennes en précisant que « les citoyens comprennent très clairement la différence entre le Parlement européen et ceux qui prennent les vraies décisions ».

Herman Van Rompuy se trompe sur un point : de très nombreux électeurs manifesteront leur hostilité à l’oligarchie européiste en soutenant diverses listes contestataires ou par une abstention soigneusement délibérée. Le président du Conseil européen, qui omet de souligner sa propre insignifiance, justifie par ses déclarations ces deux formes d’opposition ; il plombe du même coup la campagne des formations regroupées à Strasbourg par le Parti populaire européen et par le Parti socialiste européen ainsi que la coûteuse publicité destinée à nous faire croire que nous allons choisir les dirigeants de l’Union.

La réfutation des programmes présentés par le Parti socialiste et l’UMP est inutile. A gauche, le « projet progressiste pour changer l’Europe » est un médiocre trompe-l’œil puisque les dirigeants français acceptent le carcan de l’euro et l’ensemble du dispositif austéritaire sous la surveillance de Bruxelles et de Berlin. Même illusionnisme à l’UMP, où l’on se soumet aux mêmes contraintes sans se donner la peine de renouveler les slogans : promettre l’Europe à « géométrie variable », « plus pragmatique et plus efficace », c’est se moquer du monde et plus particulièrement de ses propres électeurs.

Les chefs de la gauche et de la droite parlementaire sont si peu convaincus par leurs éléments de langage qu’ils ont décidé de faire la campagne la plus courte possible en évitant le débat sur les questions essentielles, qu’il s’agisse de l’euro, de la négociation transatlantique ou de l’alignement politique et militaire sur les Etats-Unis. Après avoir passé une mauvaise soirée le 25 mai, chacun retournera à ses vraies préoccupations, qui relèvent de la tactique personnelle. Jean-François Copé se demande comment éviter la candidature de Nicolas Sarkozy en 2017 et Manuel Valls cherche par quels chemins il parviendra à l’Elysée. François Hollande ? Un observateur avisé me souffle qu’il pourrait bien être tenté par une dissolution qui reporterait sur un gouvernement de droite le poids de la gestion ultralibérale, embarrasserait l’actuel Premier ministre et lui donnerait une petite chance de gagner la prochaine présidentielle.

Dans ces conditions, que faire le 25 mai ? Le Front de gauche ne veut pas reconnaître l’échec de l’euro et les immenses dégâts industriels et sociaux qui en résultent : c’est là une incohérence majeure qui exclut le soutien. Le Front national vit et prospère selon une autre contradiction entre son discours de rassemblement et sa doctrine d’exclusion, fondée sur le rejet du droit du sol qui est pourtant essentiel dans la conception française de la nation. Tout en continuant de refuser les postures de l’antifascisme, nous ne participerons pas au mouvement qui se porte vers les listes frontistes.

Hostiles à l’évolution oligarchique de l’Union européenne et à la « monnaie unique » dès avant sa création, hostiles à l’accord transatlantique en cours de négociation, nous avons décidé lors de notre 33ème Congrès de conseiller le vote en faveur des listes présentées par Debout la République, qui dénonce ces mêmes errements et ces mêmes démissions.

La campagne des européennes ne sera qu’une étape dans un combat qui ne sait se réduire à la contestation radicale de ce qui est. Nous militons pour la reconstruction de l’économie française dans un cadre national raisonnablement protégé selon une politique industrielle à nouveau souplement planifiée, soutenue par un secteur bancaire intégralement nationalisé et rendue cohérente par la nationalisation des secteurs-clés. C’est à partir d’une économie solide et dynamique que nous pourrons envisager la refondation de l’Union européenne sous la forme d’une confédération de tous les Etats de notre continent.

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Editorial du numéro 1056 de « Royaliste » – 2014

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