La France a toujours surmonté ses revers et ses humiliations par des élans qui ont forcé l’admiration de ses alliés et imposé le respect à ses adversaires. C’est ce qu’il faut se dire jour après jour pour supporter le désarroi et la colère que provoque le spectacle politicien, en attendant le sursaut.

Alors que les médias clament sur tous les tons que nous sommes en train de vivre un tournant historique dans les relations internationales, nous constatons que l’Union européenne n’est toujours pas conviée aux négociations russo-américaines sur le proche avenir du continent. Cette mise à l’écart et la perspective d’un retrait américain pourraient, nous l’avons dit, donner à la France le rôle décisif dans la réorganisation et le réarmement de l’Ouest européen et des pays qui veulent s’y rattacher. Encore faudrait-il que nous soyons capables de mobiliser notre intelligence collective, nos moyens économiques et ce qu’on appelle “l’esprit de défense” pour ne pas parler du patriotisme.  Nous voyons, avec rage, que c’est l’inertie qui prévaut.

Mobiliser l’économie ? Hélas non ! François Bayrou et ses ministres se flattent d’avoir réussi à faire passer un budget d’austérité alors que la tendance est à la récession, marquée par l’augmentation du nombre d’entreprises en faillite.

Mobiliser les chercheurs de toutes disciplines ? Hélas non ! L’université de Paris I Panthéon-Sorbonne, par exemple, a vu ses crédits de fonctionnement et d’investissement amputés de 50%.

Renforcer la solidarité dans la nation, par une politique visant un bien-être équitablement partagé ? Hélas, non ! On assiste à des réductions massives d’emplois dans tous les secteurs d’activité ; 20% des jeunes de moins de 25 ans sont au chômage et, selon les derniers chiffres publiés, un Français sur six ne mange pas à sa faim. Cinq ans après la pandémie de Covid-19, on continue de fermer des lits d’hôpitaux, souvent par manque de personnel, et les services d’urgence sont toujours surchargés. Prétendre organiser une “économie de guerre” en laissant se dégrader le secteur de la santé publique, c’est une incohérence criminelle.

Comme toujours, l’inertie gouvernementale est ponctuée de mesures dérisoires. On a appris, le 5 mars, que Clément Beaune avait été nommé Haut-commissaire au plan en remplacement de François Bayrou. Comme il n’y a pas de plan mais un simple organe de réflexion et de coordination – dont le Sénat avait voté la suppression -, l’inexistence succède à l’inexistant. Et, comme pour célébrer l’alliance classique du copinage et de l’inconséquence, on a donné à Dominique Voynet un siège au Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire. Or cette écologiste s’est vantée d’avoir délibérément désobéi aux directives qu’elle avait reçues, lorsque, ministre dans le gouvernement Jospin, elle avait sabordé le nucléaire français à Bruxelles.

Si l’on porte plus haut son regard, vers Matignon et les principaux ministères, on aperçoit une gouvernance d’auto-entrepreneurs préoccupés de leur propre trajectoire. François Bayrou a ruiné la concertation sur les retraites “sans totem ni tabou” qu’il avait installée, confirmant son mépris pour les organisations syndicales. Cet improbable Premier ministre a laissé ses ministres se disputer sur le port du voile islamique dans le sport puis donné raison au garde des Sceaux après avoir subi son chantage à la démission. Nul n’ignore que Gérald Darmanin se positionne en fonction de l’élection présidentielle, et que rien ne vaut une polémique sur le voile pour donner des couleurs à sa petite entreprise. Il semble pourtant moins bon à la manœuvre que son collègue et rival de l’Intérieur.

Bruno Retailleau n’a pas eu le temps de s’émouvoir de l’assassinat en Corse d’un militant de la branche locale de la Confédération paysanne : c’est que cet homme qu’on dit bardé de convictions mène une double campagne – pour la présidence de son parti et pour la prochaine présidentielle.

Entrée dans sa phase virulente avec l’arrestation et la détention injustifiables de Boualem Sansal, la crise avec Alger est pour Bruno Retailleau l’occasion de se camper en héros de la droite. Ses ténors rejouent une fois de plus la guerre d’Algérie et s’indignent des réactions qu’ils provoquent dans une gauche tout aussi bêtement intempestive, sans se soucier de la satisfaction qu’ils procurent aux durs-à-cuire du gouvernement algérien. On fait des phrases et on prend des postures sans savoir ce que l’on veut vraiment : régler des comptes, où la France a plus à perdre qu’à gagner, et établir avec l’Algérie des relations ordinaires qui ne limiteront pas l’immigration algérienne, ou maintenir une relation spécifique issue de la tragédie vécue par les peuples français et algérien ? L’histoire – non sa reconstitution fantasmée – est le dernier souci de la “droite des valeurs” qui fait de l’Etat l’instrument de ses ambitions et du pouvoir le champ clos de ses rivalités. Elle est aussi capable d’en faire un lieu de turpitudes – le procès en cours de Nicolas Sarkozy soulève à cet égard un profond écœurement.

Gouverner contre le peuple en donnant le spectacle de ses innombrables défaillances est un jeu dangereux.

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Editorial du numéro 1298 de « Royaliste » – 24 mars 2025

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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