Dans le débat français sur la crise ukrainienne, une question mériterait d’être privilégiée : que peut faire la France ? Ce souci est balayé par le discours dominant. Qui n’est pas pour Kiev est pour Moscou – et Paris se trouve naturellement dans le camp du Bien. Comme ce camp a fait beaucoup de mal, dans l’ancienne Yougoslavie, en Afghanistan, en Irak, en Libye… il est prudent de se garder des fausses évidences du manichéisme ambiant. Et si la France est approuvée par les arbitres du bon ton diplomatique, c’est en raison de son effacement. François Hollande répète ce que dit Barak Obama, s’en remet à la Commission européenne et laisse Angela Merkel discuter directement avec Vladimir Poutine.
Plutôt que de remâcher cette nouvelle humiliation, il faut réfléchir à ce que pourrait faire la France, dès lors que, libérée de son oligarchie atlantiste, elle ferait exploser la zone euro et quitterait définitivement l’OTAN. Il ne s’agit pas de rédiger une feuille de route, ce qui impliquerait un cheminement au ras du sol, mais de regarder, avant tout engagement, la carte du monde. On voit la Chine, qui nous agresse commercialement, et les Etats-Unis en déclin. On voit aussi que la Russie ne nous menace en rien et l’on sait que l’Union européenne est moribonde. On se souvient que la pression islamiste se renforce sur l’Asie centrale et sur le Nord-Caucase et l’on constate que la Russie s’efforce de contenir la menace. Dès lors, la France pourrait construire un nouveau système d’alliances continentales, dans le cadre d’une confédération européenne respectant la souveraineté de ses Etats-membres.
Cette nouvelle politique européenne viserait la réduction progressive des tensions en Europe à laquelle la France contribuerait en incitant les Etats concernés à renoncer au bouclier anti-missiles américain puis à quitter l’OTAN au profit d’une organisation européenne de sécurité. Cette politique d’apaisement et de sécurité collective impliquerait une coopération avec la Russie dans la lutte contre l’islamisme et, dans le même temps, un plan européen de développement économique et social conçu hors de la dogmatique ultralibérale, dans le souci de l’écologie générale du continent et des mers qui l’entourent.
Si un gouvernement français s’était placé dans cette perspective, tracée par le général de Gaulle pendant la Guerre froide, il aurait été possible de favoriser le règlement de la crise ukrainienne. Il aurait fallu :
Constater que l’insurrection kiévienne a engendré un pouvoir de fait qui a déchiré l’accord entre le président légal et les partis d’opposition et violé la Constitution en destituant Viktor Ianoukovitch et en supprimant la Cour constitutionnelle qui aurait dû se prononcer sur cette destitution.
Exiger que ce pouvoir de fait ne signe pas de nouveaux traités et n’engage pas de discussion avec l’OTAN afin d’apaiser les craintes justifiées de la Russie – le projet d’accord entre l’Ukraine et l’Union européenne comportant des clauses de coopération militaire.
Exiger le désarmement et la dissolution des partis nationaux-socialistes afin que la sécurité des personnes et les libertés publiques soient de nouveau garanties.
Eviter que l’Ukraine ne tombe sous la coupe du FMI et ne subisse les effets désastreux d’une thérapie de choc en proposant à toutes les puissances européennes la mise en œuvre d’un plan d’urgence pour le financement et le développement de l’Ukraine.
Prendre au mot le président de la Fédération de Russie qui a déclaré le 4 mars qu’il n’avait pas l’intention d’encourager les tendances annexionnistes, l’inciter à différer le référendum prévu en Crimée et les demandes de rattachement à la Russie de plusieurs villes d’Ukraine et soutenir sa proposition d’organiser la consultation de tout le peuple d’Ukraine en vue de l’adoption d’une nouvelle Constitution.
Encourager les partis démocratiques d’Ukraine à se concerter pour organiser les élections législatives et présidentielles hors de toute pression extérieure – qu’elle soit américaine, allemande, polonaise, russe – afin que le peuple ukrainien se donne librement de nouvelles institutions.
C’est en étant libre de toute allégeance que la France aurait pu favoriser la paix en Europe.
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NB : les blogs d’Olivier Berruyer http://www.les-crises.fr/ et de Jacques Sapir http://russeurope.hypotheses.org/ sont à consulter régulièrement.
Editorial du numéro 1052 de « Royaliste » – 2014
La perspective que vous énoncez s’inscrit dans ce qu’on pourrait appeler « l’esprit » du Traité de l’Élysée de 1963.
Lequel impliquait , à terme, une sortie de l’allégeance atlantique, et la constitution d’une défense et d’une diplomatie indépendantes dans une Europe des États (sans le Royaume-Uni…) devenue puissance par une très forte coopération entre France et Allemagne…
Tout cela a volé en éclats, on le sait, par l’entremise du parti atlantiste (le futur panthéonisé Jean Monnet étant à la manœuvre) dès la ratification du Traité par le parlement allemand.
L’esprit atlantiste depuis lors a fort bien prospéré. On le voit dans l’affaire ukrainienne.
On n’aura de cesse de le voir encore ( mais après les Européennes !) dans ce qu’il est convenu d’appeler le Traité Transatlantique qui, devinez, consacrera la définitive supériorité des normes et du droit anglo-américains.
« Il faut choisir. Se reposer ou être libre » notait déjà Thucydite il y a 25 siècles.
Rien ne change jamais. Et se reposer demeure toujours ce à quoi succombent nos « petits hommes ».
Dire et constater les manipulations et actions de l’Atlantisme, c’est bien, mais c’est peu, tant il est vrai que la plus grande des pensées ne remplacera jamais le plus petit des actes…Quand on voit le nombre imposant d’hommes politiques de gauche et de droite qui sont atlantistes, suiveurs sinon collabos, fédérés dans des obédiences, mouvements et clans spécifiques et qui ont abandonné toute prétention et ambition nationale sinon européenne, il serait grand temps de fédérer, de même, tous ceux qui croient en une voie différente, non pas en opposition mais indépendante, avec ses propres stratégies géopolitiques, sa Défense et son économie. Il y aurait là matière à faire rêver et agir bien des jeunes à qui l’on n’offre plus d’idéal. Alors?
Le vrai danger, la vraie instabilité, ils sont russes. Ce sont des ogives nucléaires russes, et non américaines, qui sont pointées vers la France. L’anti-atlantisme est donc une traîtrise.
Si Poutine réalise l’annexion, l’Anschluss de la Crimée alors il faut intégrer l’Ukraine dans l’UE et l’OTAN et y stationner des armes nucléaires dirigées vers Moscou. Tel serait le véritable ‘coût’ promis par les Euro-américains.
Votre article montre que vous vivez dans un monde irréel, étranger à la logique des empires qui est en train de se dévoiler. La France n’est pas hors systeme. Elle fait partie d’une alliance et si elle en sortait, elle en paierait un coût, un coût énorme. Vous poursuivez des chimères et luttez contre des moulins à vent. Vous fumez du shit mais vous ne faites pas de politique.
La politique de De Gaulle n’a mené nulle part et ce n’est pas elle qui a libéré l’Europe centrale et orientale du totalitarisme. Ce qui fait que la France s’est trouvé ahurie, décontenancée, complètement perdue après la chute du Mur. Et on peut dire qu’elle l’est encore. Finalement tant mieux car c’est un problème en moins pour l’Europe en attendant que la France commence à jouer collectif, ce qui commence à venir, enfin !
Les derniers restes du totalitarisme sont en Russie. Il faut convertir la Russie au libéralisme. Pour le bien de la Russie et la paix du monde, il faut diminuer et diluer l’Etat moscovite et renforcer la sociéte civile russe.
Non au maurrussisme ! Oui aux libertés européennes !
Cette semaine, bonne nouvelle du côté de l’Italie. Renzi est la divine surprise. La gauche italienne implante le blairisme en Europe continentale. Bientôt, seul un petit pays gaulois continuera de résister en Europe à l’esprit libéral, mais pas pour longtemps : il n’y a presque plus de potion magique…
Je souhaite évoquer deux dangers: l’ Atlantisme qui menace les intérêts Français et les divisions religieuses qui menacent l’ Ukraine.
L ‘ OTAN est un organe de coopération entre pays souverains, qu’il n’ est pas souhaitable d’ abandonner .
La Turquie, membre de l ‘OTAN, bafouée par l’ UE, a su garder, malgré les tensions internes, une attitude prudente, fidèle à son génie national, rappelant sa protection des Tatares et son refus d’ un séparatisme qui menace tous les états souverains.
L’ Atlantisme est une doctrine et une pratique du passé. Son principe est une unité d’ action avec les Etats Unis. Sa réalité est une soumission automatique à la politique étrangère américaine, plus exactement aux politiques dont l’ incohérence rend la pratique dangereuse pour l’ Europe.
Le rétablissement économique américain est menacé par une instabilité politique qui ne peut que s’ aggraver.
La politique de tension soutenue par les Etats Unis ne peut que nuire à la France. Nos intérêts devraient rechercher une entente avec la Russie qui favoriserait une détente ,à court terme , et l’ échec des tentations nationalistes Russes ,à moyen terme.
Une coopération entre la Russie et Israël, favorisée par la France et la RFA, est un but réaliste, avant 2040.
Pour l’ Ukraine, des tensions religieuses sont à craindre.
La politique d’ aide sous conditions à l’ Ukraine, évoquée de façon optimiste par le TIME, est déjà connue. Une politique d’ austérité qui enflammera la division des nationalités.
Tout ce qui apparaîtra comme Russe ou pro-Russe sera combattu avec violence. Les églises orthodoxes Grecque et Serbe sont affectées par le nationalisme. En Ukraine, on peut craindre plus que des rivalités entre l’ Eglise Orthodoxe
du Patriarcat de Moscou, toujours majoritaire (8000 églises en Ukraine, suivant une source imprimée anglicane) et l’ Eglise Orthodoxe du Patriarcat de Kiev (1800 églises) établie
non canoniquement en 1992 et non reconnue par les autres Eglise Orthodoxes (sauf en Roumanie).
Particulièrement, l’ Eglise Grecque Catholique Ukrainienne, en communion ininterrompue avec Rome depuis 1596 (3000 églises) dont les fidèles pourraient être les victimes d’ une vieille opposition à la Pologne.
Comme d’ habitude, les Juifs seront les victimes des nationalistes, des fascistes aux néo nazis, toujours célébrés en Ukraine, comme dans les communautés nationalistes Ukrainiennes aux Etats Unis, pour les massacres de la 2° guerre.
De nombreux sionistes américains ont perdu tout sens historique. Ils reprochent au gouvernement Israëlien la recherche d’ une reconnaissance Palestinienne d’ un état national juif, exemple abouti d’ une situation win-win. Ils ont encouragé un engagement juif anti-russe qui a couvert l’ entrée des fascistes au gouvernement provisoire Ukrainien.
L’ ingérence de l ‘UE pourra, pour un temps, prévenir les violences antisémites. La Hongrie, membre de l’ OTAN et de l’ UE, abrite toujours un violent parti néo nazi . La convocation de l’ ambassadeur Hongrois par le ministre des affaires étrangères d’ Israël n’ est pas un détail.
Les fascistes seront-ils les seuls à avoir le sens de l’ histoire, face à l ‘Europe?
L’Otan est dès le début le bras armé des US en Europe de pays qui ne veulent pas assurer leur défense lors de la guerre froide, c’est toujours la même chose. L’ancien président a fait allégeance à G W Bush en faisant réintégrer la France dans le commandement militaire intégré ce à quoi l’actuel président ne trouve rien à redire parce que les socialistes ont toujours été atlantistes.
L’atlantisme n’a rien d’une doctrine, ni d’une pratique du passé; elle est profondément actuelle ce dont en témoigne le comportement des dirigeants européens dans la crise ukrainienne comme relai des intérêts US, irresponsables puisqu’ils appuient toutes les forces antidémocratiques qui se sont emparés du pouvoir en Ukraine par un coup d’état financé par des intérêts US et l’impérialisme étatsuniens pour refouler la Russie dans ses frontières les plus étroites comme au temps de la guerre froide au mépris des réalités humaines, géographiques et géopolitiques.
Extraits de l’excellent discours du représentant de la France aux Nations-Unies (New York le 13 mars 2014) :
»
Mesdames, Messieurs,
Si la crise que nous traversons n’était pas à ce point grave, nous pourrions ironiser sur les déclarations récentes de la diplomatie russe pour expliquer l’apparente marche à l’annexion de la Crimée. Ironiser à un double titre.
D’abord parce que la Russie ne cesse de se référer à un accord, l’accord du 21 février négocié par les ministres des affaires étrangères allemand, polonais et français qu’elle avait refusé endosser lorsqu’il avait été signé et dont elle se fait le champion tardif depuis la fuite ignominieuse de Yanoukovitch.
Ensuite, et là l’ironie atteint le surréalisme, lorsque la Russie invoque l’avis de la Cour Internationale de Justice qui juge que la déclaration unilatérale d’indépendance du Kossovo n’était pas illégale ; avis qu’elle n’a jamais reconnu, indépendance qu’elle a toujours combattue. Nous attendons donc avec intérêt la conclusion logique de cette conversion inattendue, c’est-à-dire la reconnaissance du Kossovo par la Russie.
Osera-t-on cependant faire remarquer que, dans son avis, la Cour Internationale de Justice posait deux conditions, l’une était le caractère contesté du territoire qui avait conduit à l’existence d’un ordre juridique particulier, la résolution 1244, et l’autre le non recours à la force ; conditions à l’évidence non remplie en Crimée dont le statut n’était en rien disputé que ce soit par Moscou ou par l’Assemblée locale et où c’est l’occupation russe qui permet à une faction qui avait obtenu 4 {9ef37f79404ed75b38bb3fa19d867f5810a6e7939b0d429d6d385a097373e163} aux élections locales d’organiser un simulacre de consultation à l’ombre des baïonnettes russes. Comme l’a dit ce matin M. Fabius, le ministre française des affaires étrangères, en Crimée dimanche, le choix sera entre oui et oui.
Mais, pour la Russie, il ne s’agit pas ici de droit, de cohérence ou de logique. Il ne s’agit que de faire feu de tout bois pour justifier l’injustifiable, la violation patente et cynique de la Charte des Nations unies, dont les fondements sont le respect de l’intégrité territoriale et la non-ingérence dans les affaires intérieures de ses membres.
Tout est donc en place pour préparer l’annexion de la Crimée par la Russie quel qu’en soit l’habillage juridique qui ne trompera personne. La presse, en Occident, y voit le triomphe du joueur d’échecs russe qui aurait mis ainsi échec et mat la communauté internationale. Je joue assez mal aux échecs mais j’y vois surtout l’amateurisme du joueur qui ne résiste pas à la tentation de prendre la tour mais perd ainsi la partie.
La Russie y gagnera la Crimée ; elle y perdra sa crédibilité.
Qu’en sera-t-il de la crédibilité de la diplomatie russe lorsqu’elle essaiera de revenir à ses fondements, le respect de l’intégrité territoriale des États et la non- ingérence dans les affaires intérieures des États, elle qui aura encouragé et reconnu la sécession en Géorgie et annexé une région d’Ukraine ? Elle ne suscitera plus que sarcasmes et haussement d’épaules.
Qu’en sera-t-il de la crédibilité de la diplomatie russe dans l’espace ex-soviétique ? Savez-vous que certains États aujourd’hui indépendants avaient été conquis par l’Empire russe avant la Crimée ? Savez-vous que des minorités russe ou russophones il y en a partout à travers cet espace ? Elle n’y rencontrera plus que méfiance et inquiétude.
Qu’en sera-t-il de la crédibilité de la Russie en Ukraine ? Comment pourrait-on imaginer une réconciliation entre le spoliateur et le spolié ? Comment comprendre la création d’une nouvelle Alsace-Lorraine, un siècle après 1914 ? Nul ne demandait à l’Ukraine de choisir entre l’Est et l’Ouest : c’est la Russie qui réussit à le faire en ne lui laissant aucun choix.
Et, enfin, qu’en sera-t-il du rapprochement entre l’Union européenne et la Russie alors que la Russie piétine les valeurs qui ont conduit à la création de l’Union européenne, la volonté de sortir du cycle des invasions, des occupations et des revendications ? L’Union européenne ne pourra que constater l’erreur qu’elle a commise en pensant que son interlocuteur partageait cet objectif.
La Russie perdra donc la partie mais nul n’en sortira indemne.
Parce que la force nue aura imposé sa logique, parce que le tissu fragile du droit international aura été déchiré, ce droit seul garant des petits États, seule barrière contre le retour de la guerre…. »
Actualité et bien-fondé de l’atlantisme :
Dans un article paru hier dans le quotidien américain Wall Street Journal, Jim Thomas, vice-président du Center for Strategic and Budgetary Assessments à Washington, estime que l’Otan a désormais les coudées franches pour installer, dans les pays membres frontaliers de la Russie, des forces nucléaires non stratégiques. En somme, l’invasion de la Crimée autorise selon lui l’Otan à revenir sur ses engagements de 1997 vis-à-vis de Moscou. A rompre aussi avec la faiblesse de ses réactions après l’invasion russe de la Géorgie, en 2008.
1° Selon Jim Thomas, une première étape pourrait être de rendre les F16 polonais à même de transporter aussi bien des armes conventionnelles que des armes nucléaires.
2°, l’Otan devrait renforcer selon lui les allies frontaliers de la Russie, en prenant en considération le stationnement permanent de forces en Pologne, en Roumanie comme dans les États baltes. Cela afin de renforcer le système de défense et de dissuader Moscou de céder à la tentation d’empiéter sur leur souveraineté au nom de « la protection des minorités russes ».
3°, l’Otan devrait sérieusement considérer l’hypothèse d’une assistance militaire indirecte de l’Ukraine (à sa demande) si la Russie attise la crise dans les régions orientales du pays
4°, les Etats-Unis et leurs alliés au sein de l’Alliance devraient selon l’auteur revoir leur refus de fournir des armes de combat aux groupes modérés de l’opposition syrienne.
5° enfin, la crise ukrainienne devrait amener l’administration Obama a revoir sa ligne stratégique sur le « leading from behind », sur la remise des compteurs à zéro avec Moscou et l’élimination de toutes les armes nucléaires dans le monde.
Jim Thomas de conclure : « Les dirigeants à Washington et en Europe ont laissé les défenses de l’Otan se détériorer à tel point que M. Poutine semble penser pouvoir agir en toute impunité. Il est plus que temps de reconstituer ces défenses, et les manoeuvres ukrainiennes de Poutine doivent en être le catalyseur. »