Zone euro : Ce que parler veut dire

Oct 29, 2012 | Union européenne

 

De quoi parle-t-on ? A qui ? Pourquoi ? Quant à la crise de la zone euro, les discours des autorités varient selon les interlocuteurs, les moments de la semaine et les lieux où ils sont prononcés.

Le retour de la gauche au pouvoir n’a rien changé à la « communication de crise » : on cherche à rassurer des publics qui n’ont pas les mêmes intérêts ni les mêmes angoisses, ce qui implique des propos contradictoires qui permettent de gagner du temps.

Le double langage a été tenu froidement lors de la discussion sur le Pacte budgétaire. A la télévision, au Parlement, les ministres assuraient que le TSGC était indispensable mais dans le même temps les plus hauts conseillers des plus hautes autorités déclaraient en confidence que le traité ne serait jamais appliqué.

Preuve publique de cette duplicité : la déclaration de Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale, dénonçant le « côté absurde » de la limitation du déficit public à 3% du PIB. Mais la France ne renoncera pas à cette absurdité patente car le lieutenant de Laurent Fabius voudrait que la Commission européenne déclare que l’objectif n’est pas tenable en période de crise. Le message n’était donc pas destiné aux citoyens français, qui constatent qu’on vote pour la « règle d’or » de l’équilibre budgétaire tout en s’empressant de la dénoncer. Le message n’était pas non plus destiné aux députés et aux sénateurs, priés de voter pour l’absurde, mais à la Commission qu’on charge de tout contrôler et de tout décider parce qu’on n’a pas eu le courage de renégocier le TSCG avec Berlin.

Le président de la République n’est pas en reste. A la veille du sommet européen des 18 et 19 octobre, François Hollande a accordé un entretien à plusieurs quotidiens, dont Le Monde,  où nous avons pu lire ces propos pour le moins surprenants : « Sur la sortie de la crise de la zone euro, nous en sommes près, tout près » parce que « nous avons le devoir » d’appliquer rapidement les bonnes décisions prises au sommet de juin dernier :  « D’abord, en réglant définitivement la situation de la Grèce, qui a fait tant d’efforts et qui doit être assurée de rester dans la zone euro. Ensuite, en répondant aux demandes des pays qui ont fait les réformes attendues et qui doivent pouvoir se financer à des taux raisonnables. Enfin, en mettant en place l’union bancaire. Je veux que toutes ces questions soient réglées d’ici à la fin de l’année ».

François Hollande ne s’adresse ni aux Grecs qui ont sombré dans le chaos, ni aux Espagnols qui s’enfoncent dans la misère, ni aux Portugais qui sont dans une situation identique, ni aux Français confronté à la logique de récession, mais aux marchés financiers : si les spéculateurs sont mis en confiance grâce aux politiques antisociales, les taux d’intérêts baisseront et les dettes des Etats seront remboursées ! Les oligarques de droite se berçaient des mêmes illusions et les mesures d’austérité n’ont fait qu’aggraver la situation. A l’Elysée, à Matignon, à Bercy, on continuer à traiter la crise financière et la crise bancaire alors que nous sommes confrontés aux effets désastreux de la monnaie unique – effets reconnus en privé par de hauts conseillers et certains ministres – et aux ravages du libre échange.

Nous verrons qu’à la fin de l’année, le « cas » de la Grèce ne sera pas réglé – sauf de manière sinistre – et que l’Espagne et le Portugal ne seront pas sortis de la crise (1). Déjà, l’union bancaire a été reportée lors du sommet d’octobre : François Hollande a cédé à la Chancelière allemande qui a imposé le « compromis » qui lui convenait. L’union bancaire ne sera pas mise en place le 1er janvier 2013 car l’objectif est d’avoir un « accord sur le cadre législatif » à la fin de l’année. Le communiqué officiel ajoute que « le travail pour la mise en œuvre opérationnelle aura lieu dans le courant de l’année 2013 » ce qui signifie qu’il n’y a pas d’engagement sur une date précise sur une « union » qui est d’inspiration fédéraliste puisqu’il s’agit de rompre les liens entre les banques et les Etats.

La fuite en avant se poursuit, mais c’est Berlin qui fixe le calendrier des retards.

***

(1) les récentes notes de Jacques Sapir sur son blog : http://russeurope.hypotheses.org/332 et http://russeurope.hypotheses.org/343

 

Article publié dans le numéro 1021 de « Royaliste » – 29 octobre 2012

 

Partagez

0 commentaires