Ce n’est pas une révélation : l’homme agit dans l’incertitude. Dans le domaine économique, l’Etat peut concevoir des projets et des plans qui réduisent les incertitudes mais, dans l’ordre politique, l’action est soumise à tellement d’aléas qu’il faut surtout s’attendre… à de l’inattendu.
Cette philosophie de poche est d’actualité. Les déçus du hollandisme se lamentent sous l’œil narquois de ceux qui « l’avaient bien dit » et les deux groupes apportent ensemble leur contribution au pessimisme ambiant. Et puis, à la gauche de la gauche, il y a ceux qui se veulent comme le levain dans la pâte et qui se préparent à la révolte populaire comme autrefois à la lutte finale. En somme, nous aurions à choisir entre deux types de fatalité : celle du reniement socialiste, celle de la victoire de la vraie gauche.
Intervenant dans ces débats (1), Emmanuel Todd déplait ou scandalise puisqu’il pense que François Hollande et ses amis pourraient opérer un changement radical de politique : sortie de l’euro, mesures protectionnistes ! Reçues comme pure provocation ou regrettable complaisance, ses déclarations à Marianne ont l’immense avantage de nous replacer dans une perspective historique : rien n’est écrit, il peut y avoir des retournements de tendance. Emmanuel Todd n’affirme pas que le président de la République va changer de cap : il énonce une hypothèse, qu’il étaye d’une manière qui peut être discutée mais qu’on aurait tort d’écarter a priori. Il n’est pas dit que François Hollande va rompre avec l’ultralibéralisme, mais il est clair que le libre échange, le maintien de la France dans la zone euro et les mesures de rigueur vont placer le gouvernement dans une situation périlleuse en raison de l’augmentation considérable du chômage. C’est alors que viendra l’heure du choix, qui fera du président de la République « un géant ou un nain »…
Puisque rien n’est joué, il faut s’interroger sur les circonstances qui pousseraient François Hollande à sortir de la gangue oligarchique et à rompre avec l’idéologie dominante. Au vu des éléments dont nous disposons, rien de flatteur ne peut être dit. Le président de la République dispose depuis le mois de juin de toutes les analyses et de toutes les prévisions qui auraient pu le conduire à une sortie concertée de l’euro. Il ne l’a pas fait et une décision courageuse n’est plus à espérer. Ce sont des traits négatifs qui peuvent déclencher le mouvement salutaire : la faiblesse des convictions, la soumission aux rapports de force, la peur de la violence qui serait tout à coup plus envahissante que la peur de la chancelière allemande et la peur du quand dira-t-on.
J’énonce quelques possibilités, parmi d’autres. Elles n’incitent pas à faire confiance à François Hollande mais à cultiver la défiance méthodique – jusqu’à preuve du contraire. Elles incitent surtout à agir – non pas malgré l’incertitude mais à cause de l’incertitude et dans l’intention de la réduire. La tâche n’est pas facile. La politique de redressement national est clairement définie – nous en assurons avec d’autres la promotion – mais les forcesqui pourraient la concrétiser sont dispersées ou paralysées. Le Front de gauche continue à défendre la monnaie unique et à entretenir le mythe de l’Europe sociale, l’opposition à l’idéologie dominante est encore faible au sein du Parti socialiste, la renaissance gaulliste est fragile, les syndicats sont sur la défensive. Est-il besoin de souligner que le Front national est aujourd’hui en mesure de récupérer un nombre croissant d’électeurs, à droite comme à gauche ?
La progression du nationalisme xénophobe n’est pas inéluctable car le Front national peut être débordé par la dynamique des luttes sociales : entre la lutte des classes et la guerre ethnique, il y a un moment où il faut choisir. Les mouvements de contestation et de révolte en Espagne et au Portugal peuvent trouver leurs prolongements dans notre pays qui va subir de plus en plus durement l’austérité. Rien n’est acquis : les logiques de violence et de dislocation peuvent prendre le dessus. Rien n’est perdu puisque les classes moyennes et populaires ont acquis une réelle intelligence de la situation – sans qu’on puisse savoir quand et comment le seuil de l’intolérable sera franchi.
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(1) Entretien accordé à Marianne, n° 808 du 13 octobre 2012.
Editorial du numéro 1021 de « Royaliste » – 2012
La verité c’est que Hollande est dans une impasse. Il n’a ni le courage, ni la culture pour faire ce que vous voudriez qu’il fasse : prendre la tête d’un mouvement anti-allemand qui lui serait éventuellement imposé par les circonstances. Et heureusement, car cela ne ménerait nulle part. Vous voudriez faire de Hollande un Bonaparte alors qu’il n’est même pas un petit père Queuille…Et c’est tant mieux.
D’un autre côté, les vraies solutions à la crise sont le contraire de son programme électoral et il serait obligé de se renier s’il les mettait en oeuvre.
Hollande est inexorablement voué à l’enlisement et au pathétique.
Je suis convaincu qu’Emmanuel Todd se trompe et fait preuve d’une insondable naïveté avec son incurable optimisme. François Hollande ne sera ni un nain ni un géant mais le plus orthodoxe gestionnaire de l’Europe néolibérale comme la droite. Parce qu’il ne veut pas voir que le PS est d’abord un parti foncièrement européiste, qui veut l’europe à tout prix comme au moins depuis la Libération jusqu’à nos jours même au prix d’une stagnation économique et régression sociale que tous les partis socialistes européens ont entériné, la palme d’or revenant au PS grec, le Pasok. C’est dans les gènes, le disque dur du parti « socialiste »
Ne lui en déplaise le vote du TSCG après un simulacre de renégociation en est bien la preuve et dire que ce traité ne verra pas le jour est une illusion, il inspire déjà la politique du gouvernement et comme le dit Jacques Sapir seuls 20 députés de gauche ont sauvé l’honneur comme les 80 qui en 1940 ont refusé de voter l’investiture à Pétain!
Comme dans les blogs suivants il est rappelé, à travers l’histoire partielle et partiale des gauches par Jacques Julliard que ce fût une assemblée de gauche qui en 1956 nous a fourvoyé en Algérie jusqu’à ce qu’un homme politique honni par la gauche, le Général De Gaulle, nous sorte non sans mal du bourbier algérien, comme ce fût l’assemblée du Front Populaire qui a investi Pétain.