A quoi sert un chef d’État ? Quelle que soit la forme prise par les institutions démocratiques, le chef de l’Etat doit incarner l’unité de la nation souveraine et la faire prévaloir, exercer son pouvoir arbitral selon l’intérêt général, veiller au respect des principes inscrits dans la Déclaration de 1789, le Préambule de 1946 et la Constitution. Pour assurer cette tâche politique, le chef de l’Etat doit assumer l’histoire millénaire de la nation et l’aider à se projeter dans l’avenir.
Je viens de résumer ce que voudraient d’innombrables citoyens, d’opinions diverses mais qui se retrouvent pour donner un même sens à la fonction présidentielle, si proche de la symbolique royale dont nul n’a perdu le souvenir – dont témoigne l’admirative sympathie des Français pour la reine d’Angleterre.
Depuis l’établissement du quinquennat, l’attente d’un chef d’Etat digne de ce nom a été constamment déçue. Les vainqueurs de l’élection présidentielle ont surtout bénéficié d’un vote de rejet, suivi de déceptions qui creusaient le manque. Nicolas Sarkozy, François Hollande et Emmanuel Macron ont tour à tour subi des discrédits croissants, chacun renonçant à exercer la fonction présidentielle pour jouer le rôle dévolu au Premier ministre avec plus ou moins de volontarisme. Le président sortant s’est distingué en jouant tous les rôles ministériels et en portant ses talents d’acteur sur la scène internationale. Il vient d’ailleurs de s’y produire, déguisé en Volodymyr Zelensky, sans s’apercevoir qu’il insultait un président ukrainien exerçant sa fonction au péril de sa vie pour le salut de la patrie agressée.
La succession des échéances électorales et la perspective de la future présidentielle expliquent l’activisme désordonné de ces “locataires” qui n’habitent jamais vraiment l’Elysée. Mais l’homme élu un soir de printemps après avoir brandi un bouquet de promesses est aussi celui qui reprend, avec une froide détermination, les perspectives tracées par la classe dominante.
Nous avons vu Emmanuel Macron poursuivre le sale travail de destruction de l’État amorcé par Nicolas Sarkozy selon le mot d’ordre de la Révision générale des politiques publiques. La réélection du personnage ne fera qu’accélérer la destruction des grands corps et la privatisation de la fonction publique, attestée par le recours systématique aux cabinets privés de conseil.
Nous avons vu Emmanuel Macron puiser son inspiration dans des bribes d’idéologie néolibérale et agir selon les préjugés de sa caste. Le chômeur paresseux, l’assisté parasitaire, les retraités qui coûtent trop cher et les profs qui sont tout le temps en vacances font partie de la vieille panoplie des clichés recyclés voici peu, en attendant le retour du discours inusable et fallacieux sur le poids de la dette publique (1). Afficher soir et matin son progressisme tout en débitant sans rougir autant de banalités solennelles et de contre-vérités éculées semble constituer un étonnant paradoxe – sauf pour ceux qui ont eu le douteux avantage de faire de l’observation participante dans les dîners-en-ville parisiens.
Il s’y ajoute une Lettre aux Français, synthèse paresseuse des notes rédigées par des conseillers qui ont “listé” les catégories à flatter et parsemé le texte des mots qui font plaisir : indépendance, écologie et même “grande Nation écologique”, valeurs et force économique, égalité des chances. Il faudra demander aux propagandistes du candidat comment on réalise l’indépendance nationale sans recourir aux moyens de la souveraineté, comment on devient une nation écologique sans concevoir un nouveau mode de développement qu’il faudra planifier, comment on atteint l’égalité des chances dans un pays où les gagnants sont dans les métropoles et où les perdants se trouvent assignés à toutes les formes de marginalisation, comment on défend les “valeurs” en faisant des réformes qui aggravent l’injustice sociale, comment le pays retrouvera sa puissance économique dans un système de contrainte monétaire et de libre-échange…
Cette Lettre aux Français ne convaincra que ceux qui lisent entre les lignes, ou qui n’ont pas besoin de lire la prose attribuée à Emmanuel Macron pour savoir qu’avec lui tout continuera comme avant : les privilèges accordés au capital financier, la contrainte salariale, l’économie de l’offrande au patronat masquée par la référence pseudo-savante à “l’économie de l’offre”, les montages industriels qui permettent de satisfaire les vrais amis.
La classe dominante se sait minoritaire, même avec les groupes sociaux qui lui sont acquis. Mais, comme d’habitude, on parie que la peur suscitée par Marine Le Pen permettra d’emporter le morceau. Plutôt bénéficier d’un vote de rejet que de se faire rejeter ! La faible légitimité qui résulte de ce choix par défaut n’a jamais troublé le vainqueur : c’est l’opposition qui vient conforter le pouvoir !
Nous resterons dans ce piège tant que les classes moyennes et populaires ne trouveront pas en elles l’artisan d’un front politique, patriotique et révolutionnaire.
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(1) Frédéric Farah : “La dette : d’un conservatisme budgétaire l’autre” dans le numéro 1 de la revue Cité (nouvelle collection), premier semestre 2022.
Editorial du numéro 1231 de « Royaliste » – 28 avril 2022
Cher Bertrand
Et dire que nos parents ont été des Résistants ! c’est la Conseil National de la Résistance qui a préparé les textes sur la Sécurité Sociale appliqués dès l’après-guerre ET QUE VEUT SUPPRIMER LE PRÉSIDENT MACRON
Eliane