Le débat sur les institutions est relancé. Sous forme de livres et de colloques (1), il donne lieu à une réflexion approfondie qui offre de solides repères dans le chaos ambiant. Il permet aussi de réitérer l’appel à une VIe République, dont on ne sait rien sinon qu’elle ne ferait pas disparaître les trois coalitions électorales qui empêchent la formation d’une majorité parlementaire stable.
Nous ferons à nouveau part de nos analyses et de nos propositions constitutionnelles dans les mois qui viennent mais il me paraît indispensable de poser, en préalable, la question du chef de l’Etat.
La fonction présidentielle relève à la fois de l’ordre juridique et de l’ordre symbolique qui se conjuguaient dans la République gaullienne. La monarchie élective instituée en 1962 avec le large consentement des Français garantissait la prise en charge de l’essentiel par le chef de l’Etat. La légitimation démocratique des successeurs du général de Gaulle permit de préserver – plus ou moins – la fonction présidentielle, étayée par un parti disposant de la majorité absolue mais, de ce fait, déportée à droite ou à gauche. Nous avons cent fois montré que le quinquennat avait conduit le vainqueur de l’élection présidentielle à devenir le véritable chef du gouvernement et du parti majoritaire. Nous avons par conséquent plaidé, avec constance mais sans illusions, pour que les candidats à la présidentielle cessent de présenter un programme de gouvernement et expliquent aux Français comment ils rempliraient les missions inscrites à l’article 5 de la Constitution : assurer, par l’arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’Etat, garantir l’indépendance nationale, l’intégrité du territoire et le respect des traités.
Le mépris du principe arbitral et le sacrifice de l’indépendance nationale sur les autels conjoints de l’européisme et de l’atlantisme ont conduit à la subversion de nos institutions : sous les apparences de la République, classiquement définie comme le gouvernement qui vise l’intérêt général selon les exigences communes de justice et de liberté, nous avons vu s’installer une oligarchie qui sert de puissants intérêts privés. Cette subversion a été réalisée par des hommes – Nicolas Sarkozy, François Hollande, Emmanuel Macron – qui ont nié, par leurs comportements et leurs propos, la dignité de la fonction présidentielle, gravement altéré le prestige de la France dans le monde et humilié les citoyens français.
Cette attitude est en complète rupture avec la réaffirmation de la fonction présidentielle opérée par les chefs d’Etat sous les IIIe et IVe République, avant que le général de Gaulle ne lui donne sa pleine signification. Depuis trente ans, l’institution ne transcende plus l’individu élu, qui reste indifférent à la temporalité politique et qui ne sait plus, malgré le feu nucléaire, que l’existence collective est au cœur du souci politique. Un peuple aussi passionné d’histoire que le nôtre sait tout cela. D’où la colère et la haine contre ceux qui ne respectent ni l’Etat, ni la nation.
Claude Nicolet disait que la République est une pédagogie. C’est une maxime qu’il faut graver dans le marbre. On réduit trop souvent les comportements aberrants des trois derniers locataires de l’Elysée à des travers psychologiques alors qu’ils ont manqué et manquent avant tout d’éducation politique. Il va falloir que les candidats aux plus hautes charges apprennent le métier politique, qui implique une solide connaissance du Politique.
Au rebours de la “gouvernance”, il leur faudra distinguer l’autorité, référence unitaire qui donne la signification de l’aventure collective, du pouvoir politique qui est la puissance d’agir selon le droit.
Au-delà du sempiternel débat entre le “plus d’Etat” et le “moins d’Etat”, il leur faudra comprendre la relation dialectique entre le Pouvoir, l’Etat et la Nation selon les principes de souveraineté et de légitimité. La République n’est pas un régime mais un corps de principes qui irriguent les institutions.
A l’opposé de la communication, il leur faudra saisir le sens et la portée de la Parole publique, qui s’affirme dans le respect des principes fondamentaux énoncés en 1789 et en 1946 – et dans le respect de la langue française.
A l’inverse des plans de carrière et du travail d’image, il leur faudra se souvenir que le service de collectivité nationale implique un dévouement qui conduit au sacrifice plus ou moins complet de la vie privée.
Cette pédagogie exige un effort collectif, dans les partis politiques qui doivent redevenir des écoles de formation des candidats aux fonctions politiques. A quoi bon invoquer les Lumières si l’on puise ses références dans les séries télévisées ? Nous rappelons chaque quinzaine que les librairies sont pleines d’excellents livres, que l’Université offre d’immenses ressources, souvent accessibles par Internet, et qu’il y a de remarquables vulgarisateurs sur les réseaux sociaux. Encore faut-il avoir la volonté de se mettre au travail.
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1/ Cf. Fondation Res Publica, Comment les institutions de la Ve République peuvent-elles évoluer ?”, n° 155, 15 octobre 2024.
Editorial du numéro 1292 de « Royaliste » – 12 janvier 2025.
Une solution innovante serait de distinguer deux modes de gouvernement, celui du domaine régalien permanent essentiel et celui du domaine public, impermanent et progressiste.
Le premier pourrait être confié à un Etat de base soucieux de perpétuer la nation dans ses cadres immémoriaux ;
le second, régi par la démocratie représentative pour partie et directe pour sa partie girondine, aurait pour objectif d’optimiser les atouts de ce pays en ajustant les moyens nécessaires à l’evolution des paramètres économiques et stratégiques aux ressources immédiatement disponibles.
Le contexte actuel est sans doute le plus mauvais possible pour un grand pays moyen comme le nôtre parce que l’autorité y est dispersée en un trop grand nombre d’ordonnateurs de dépenses qui sont aussi parfois des émetteurs de besoins. Mille agences et organes (dixit M. Bayrou) contournent le réseau préfectoral !
La reconduction quasi-contrainte des dépenses budgétaires d’un exercice à l’autre interdit toute réforme de fond et lève chaque fois les corporatismes visés. Ce grand désordre démocratique devrait être contenu à l’extérieur du domaine régalien strict (cinq ministères).
Après, y mettre un roi ne serait pas idiot.
Bonjour.
Vous déplorez qu’une éventuelle VIe République soit pour le moins floue et pointez comme probable qu’elle soit inapte à adresser la situation tripartisanne actuelle : Vous avez raison pour la plupart des zélateurs d’un changement Constitutionnel, en commençant par Mélenchon et son probable retour à la IVe.
Tous avancent masqués.
Eh bien sachez que ce n’est pas le cas de tout le monde, puisque le groupe que j’anime propose une VIe République précise, architecturée pour satisfaire aux différentes qualités nécessaires (dont l’émergence de majorité de manière garantie).
Si cela vous intéresse, vous en saurez plus ici : https://1p6r.org/1p6r/comprendre/
Et ici : https://1p6r.org/1p6r/constitution/
Cordialement.
Luc Laforets
Deux remarques:
1) La Constitution prévoit le recours au référendum, dans l’esprit d’équilibrer les pouvoirs de façon démocratique. Or les successeurs de De Gaulle n’y ont jamais eu recours ou de rares fois pour ne même pas tenir compte des résultats (celui sur le projet de constitution européenne).
2) Il n’y a pas trois blocs à considérer mais quatre, le dernier étant celui des nombreux abstentionnistes (être abstentionniste ne signifie nullement que l’on se désintéresse des affaires du pays mais que l’on ne se reconnait pas dans les candidats qui sont en lice).