Série noire pour les Verts – par François Gerlotto

Oct 6, 2024 | Billet invité | 2 commentaires

L’écologie va mal, et pas seulement en France. Il suffit pour s’en rendre compte de lire les titres des articles traitant d’écologie dans les derniers numéros du Monde : ils sont unanimes. Sur les États-Unis : « Reculs sur le climat dans la campagne électorale américaine » ; sur l’Allemagne : « Crise au sommet chez les Verts » ; dans l’Union Européenne : « L’avenir incertain du pacte vert européen » ; et chez nous : « Transition écologique : un pilotage à la dérive », « Planification écologique : le risque de la reculade », etc. Il est vrai que l’écologie politique souffre de la conjonction de plusieurs crises : les guerres d’Ukraine et du Proche-Orient l’avaient fait passer aux oubliettes dans ces régions. Puis la débâcle aux élections européennes a vu les Verts perdre 18 députés européens (passant de 71 à 53) : les voici au sixième rang des partis présents au Parlement européen. En Allemagne, devant leur plus mauvais score électoral depuis des décennies, les Grünen ont vu leurs dirigeants démissionner en bloc. Aux États-Unis, la bataille pour la présidentielle force les Démocrates à surenchérir sur les propositions démagogiques des Républicains. Enfin en France, la découverte d’une économie en pleine déconfiture va nous imposer une période de vaches maigres, où « L’État français [voudra] tailler dans les dépenses ». On imagine déjà le rôle de « variable d’ajustement » que jouera l’écologie. On pourrait imputer l’abandon progressif des politiques de transition écologique à cette conjoncture. Ce serait une erreur : les causes de cet effondrement sont beaucoup plus profondes. Une écologie politique à reconstruire. – Il y a d’abord la responsabilité des partis écologistes. Au lieu de préparer et proposer des alternatives aux instruments naturels de régulation du milieu mis à mal par le réchauffement climatique, ils se perdent dans des débats politiciens. Un exemple : devant une pluviométrie alternant déluges et sécheresses, il devient nécessaire de concevoir des méthodes et des instruments régulant les débits des rivières. Or, la plus grande confusion règne sur le projet de méga-bassines, dont on n’arrive pas à savoir s’il s’agit d’appliquer une méthode indispensable de maîtrise des flux, de confisquer l’eau au profit d’un groupe particulier, ou de maintenir à tout prix une agriculture intensive par irrigation, dommageable pour l’environnement. Les partis écologistes nous font vivre depuis des décennies dans cette écologie idéologique, où les décisions imposées sont plus motivées par des positions sociétales fantasmées que par une véritable compréhension des enjeux et le souci pragmatique de gérer l’environnement. On l’a bien vu avec leurs positions aberrantes (françaises comme allemandes) sur le nucléaire, comme J.-M. Jancovici l’a signalé dans son intervention devant le Sénat. L’Europe ensuite : elle reste ancrée sur une idéologie ultralibérale mercantiliste et, devant son incompatibilité avec la transition écologique, donne régulièrement la priorité à celle-là au détriment de celle-ci. Les lobbies, de leur côté, profitent de cette confusion pour y avancer leurs pions et obtenir de Bruxelles des délais in- définis pour leurs productions polluantes : produits agrochimiques mortels, production toujours permise d’énergie « sale », attaques sur le pacte vert, etc. Leur poids financier et la permanence de leurs objectifs en font des adversaires résolus de toute politique écologique européenne. Nos gouvernements, enfin, qui avaient pourtant lancé naguère le Grenelle de l’Environnement, ont depuis lors abandonné le thermomètre climatique au profit du baromètre électoral : cela se traduit par de la démagogie et des changements de cap permanents, sans parler de la dilution des responsabilités dans une myriade de structures inutiles imposées par le chef de l’État dans une vision exclusivement politicienne, qui interdit toute planification un peu sérieuse. Tout cela explique que les citoyens perçoivent l’écologie comme idéologique, confuse, politicienne, et surtout indifférente aux conditions de vie de la population. Ne désespérons pourtant pas et souhaitons que cette crise nous fasse revenir à une vision plus réaliste des problèmes urgents de climat et de pollution. Bien sûr, toute crise est porteuse de risque : la nécessité d’un changement profond dans notre mode de fonctionnement n’étant plus décrite, expliquée, reconnue, le risque est grand, par un rejet justifié de l’écologie « écologiste », de rejeter aussi toute idée d’un fonctionnement de la société plus conforme avec la défense de l’environnement. Mais une fois rejetées les postures idéologiques, il devient possible de remettre en avant la construction d’une écologie politique qui refasse de l’homme la pierre de touche des choix pour une politique écologique planifiée, aux enjeux clairs et reconnus, et préparer les conditions d’une alternative acceptable par la population. Nous avons publié récemment dans nos colonnes le Manifeste d’écologie politique du comte de Paris, qui définit cette écologie politique et en détaille les conditions pratiques d’application dans notre pays. Une telle action est possible ; elle répond aux souhaits de la population et peut encore sauver ce qui peut l’être de la transition écologique.

François GERLOTTO

Editorial du numéro 1285 de « Royaliste » – 7 octobre 2024.

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2 Commentaires

  1. RR

    EELV c’est le PS en pire, à la pointe contre nos traditions et cosmopolite. Le délire complet (contre la voiture, l’énergie nucléaire y compris par fusion, etc.).
    Le seul écologiste digne de ce nom qui fut un responsable politique est Antoine Waechter.

  2. Pepe Cárdenas

    Il est réconfortant de savoir qu’il existe au moins ce type de réflexion intelligente et objective sur la question de l’environnement, et qu’il y a encore une prise en compte des lois qui la régissent, même s’il n’y a pas de véritable écologie politique.
    De ce côté-ci du monde, au nord de l’Amérique du Sud, c’est l’indolence absolue, où les lois restent lettre morte (dans tous les domaines de la société), où la déforestation pour l’extraction de l’or et du coltan, et où les marées noires, qui peuvent se produire dans d’autres parties de la planète, sont ici une constante.
    Nous l’appelons le « Terre de Grâce », peut-être encore émerveillés par sa beauté naturelle et son potentiel, mais en réalité nous avons été maudits par l’abondance de tout, y compris de politiciens ineptes dont le vert préféré est celui des billets de banque américains.