Syrie : comment la France pourrait agir – Chronique 86

Sep 7, 2013 | Res Publica | 2 commentaires

Mais pourquoi, pourquoi donc François Hollande se comporte-t-il dans la crise syrienne de manière aussi consternante ? On nous vantait le fin tacticien, l’homme sachant, à défaut de convictions, s’adapter à l’évolution des rapports de forces… C’était sans doute vrai pour les jeux de l’appareil socialiste mais en politique, en géopolitique et en géostratégie, François Hollande n’en finit pas de s’égarer.

Le 4 septembre au Parlement, le débat sans vote sur la Syrie était parfaitement ridicule. A Londres, on a voté. A Washington, on va voter. A Paris, on disserte sur la morale, sur le droit international, sur l’intervention militaire décidée par l’Elysée, mais on ne vote pas. Ce qui n’empêchera pas les dirigeants socialistes de donner des leçons de démocratie au monde entier. Bien sûr, le Gouvernement avait pour lui la Constitution révisée par Nicolas Sarkozy qui prévoit – article 35 – un débat sans vote en cas d’intervention militaire à l’extérieur. Mais le refus du vote, qui aurait pu avoir lieu sur une déclaration de politique générale, est un acte de faiblesse politique.

Le 5 septembre à Saint-Pétersbourg, François Hollande a subi une cinglante défaite diplomatique. Parti d’un beau pas pour rassembler une coalition, il s’est heurté au refus du président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, affirmant qu’ « il n’y a pas de solution militaire en Syrie » et qu’il faut une « solution politique ». Tel est également l’avis de la Chancelière allemande, qui d’ordinaire fait plier les dirigeants français. Mais François Hollande s’est choisi pour la circonstance un nouveau maître et attend son coup de sifflet. Cela se dit à Paris sans la moindre honte : on attend la décision du Congrès des Etats-Unis. Pour passer le temps, on ressasse l’argumentaire conçu à Washington : une opération militaire est nécessaire pour obtenir une solution politique.

Dans le vague souvenir des guerres en Bosnie et au Kosovo, on se paie de mots. Bombarder les troupes d’Assad, c’est déjà un choix politique – un choix qui sera fait par les Américains. S’ils décident un bombardement « punitif », limité dans son ampleur et sa durée, Bachar el-Assad continuera la guerre. S’ils choisissent une longue campagne de bombardement pour pénaliser l’armée régulière, ils donneront l’avantage aux groupes rebelles sans avoir la moindre garantie d’évolution vers la paix et la démocratie.

Faut-il se résoudre à ne rien faire ou bien faire quelque chose parce que le pire serait de ne rien faire ? C’est là une fausse alternative qui masque la possibilité d’une véritable médiation. On n’a pas prêté la moindre attention à la lettre que le pape François a adressée le 5 septembre à Vladimir Poutine, président du G 20 : « A tous les dirigeants présents [à Saint-Pétersbourg], à chacun d’entre eux, je fais un appel du fond du cœur pour qu’ils aident à trouver des moyens de surmonter les positions conflictuelles et d’abandonner la vaine prétention d’une solution militaire » écrit le pape qui a fait préciser par le Saint-Siège les principes d’une négociation : respect de l’intégrité territoriale de la Syrie, garanties à tous les groupes (chrétiens, alaouites…) composant le pays, respect des droits de l’homme, isolement des groupes extrémistes, aide à la reconstruction.

François Hollande, moraliste inconséquent, aurait pu se saisir des propositions formulées par le Saint-Siège et s’envoler pour toutes les capitales concernées ou impliquées – y compris Moscou et Téhéran – afin de nouer les fils de la négociation internationale. Peut-il encore agir de telle sorte que la France joue un rôle décisif en faveur de la paix ?

Oui, s’il le veut.

Mais sait-il ce que c’est, la volonté ?

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2 Commentaires

  1. fourminus

    Pour alimenter la réflexion des lecteurs du blog je propose de prolonger la perspective avec un scénario catastrophe :

    . Imaginons qu’aux prochaines élections, dans un contexte de forte abstention suite à l’écœurement des électorats PS et UMP pour les leaders respectifs, Marine Le Pen soit élue.

    . L’extrême droite a pour habitude de rassembler la nation autour d’un ennemi commun. Cette fois c’est la figure du délinquant immigré qui pourrait être utilisée. On peut imaginer une intensification de la répression dans les banlieues (certains parlent de militarisation de la gestion des banlieues). Si la crise s’aggrave en même temps, ça pourrait avoir pour conséquence le désespoir de ces populations, la radicalisation d’une partie de sa jeunesse et si tout est géré au plus mal : des émeutes.

    . Il pourrait alors se trouver, comme pour la Syrie, la Libye, le Mali, etc., des intérêts qui pourraient trouver utile de distribuer des armes de guerre aux plus radicaux de ces émeutiers. Comme en Libye, Syrie, etc. on peut imaginer que des mercenaires pourraient être envoyés pour les encadrer. (ça n’est pas de la science fiction, c’est la stratégie éprouvée des « contras ».)

    . L’armée française serait alors contrainte d’attaquer les banlieues pour en reprendre le contrôle, massacrant ainsi la population civile, tandis que les contras auraient disparu à son arrivée pour mieux reprendre les attaques dans une autre zone urbaine.
    Il semble qu’il n’existe aujourd’hui pas de stratégie militaire efficace face à cela…

    Le pire n’est jamais sûr, c’est la perspective la plus sombre, pas du tout la plus probable. Mais avant de soutenir le bombardement de la Syrie et plus précisément sa déstabilisation par des mercenaires, il me semble utile d’y réfléchir…

  2. sabbatini Gianni

    Faut quand même pas exagérer je crois ..Car si on suit votre raisonnement cela veut dire que nous sommes à la botte des banlieues et de quelques centaines de crapules ? Je crois que l’occident a encore les moyens de faire la loi sur ses terres ne pensez vous pas ?