Voiture électrique et politique de l’énergie, une analyse critique des thèses de Christian Gerondeau – par François Gerlotto

Août 28, 2022 | Billet invité

REFLEXIONS SUR L’ENERGIE INSPIREES PAR LE LIVRE DE CHRISTIAN GERONDEAU : « LA VOITURE ELECTRIQUE ET AUTRES FOLIES. LA RELIGION ECOLOGISTE (3) »

Voilà un livre indispensable et porteur de sens, mais compliqué. Notons tout d’abord qu’il s’agit enfin d’un livre climato-sceptique intelligent ! Par la clarté de ses positions exemptes de tout a priori idéologique et la justesse des valeurs mesurées, il permet de comprendre, sinon d’approuver, les arguments voulant démontrer que le rôle de l’homme sur le climat est insignifiant. Dans ces conditions, il est compréhensible que, pour cet auteur, vouloir éliminer les véhicules à moteur thermique en Europe pour les remplacer par des véhicules à moteurs électriques n’ait aucun sens : « La circulation automobile n’accroît annuellement la présence de CO2 dans l’atmosphère que de 0,3 milliards de tonnes par an, soit 1/10 000 du phénomène sur lequel l’UE affirme vouloir agir ».

Par ailleurs, il présente une analyse extrêmement bien documentée des effets économiques, des coûts, des contraintes etc. que la décision de faire passer les transports au « tout électrique » à l’horizon 2050 va induire, des possibilités et impossibilités, des conséquences et des résultats, et là le constat est non seulement crédible, venant d’un expert qui connait ce domaine sur le bout des doigts, mais absolument convaincant. Je décrirai plus loin ses analyses, mais il semble très difficile de les rejeter. Quant à endosser ses conclusions, c’est une autre histoire, puisque cela exige d’en accepter les prémices, donc accepter aussi l’idée d’une insignifiance du rôle de l’humanité sur le climat.

 LES HYPOTHESES CLIMATOSCEPTIQUES DE M. GERONDEAU SONT-ELLES RECEVABLES ?

Il faut donc commencer par analyser son raisonnement sur le climat et le rôle du CO2 d’origine anthropique. L’hypothèse fondamentale de M. Gerondeau est en effet la suivante : quelle que soit l’évolution du climat, elle ne peut être due qu’à des causes « naturelles » (planétaires), et certainement pas aux émissions de carbone dans l’atmosphère, puisque l’apport de l’homme dans l’environnement est marginal : « Il y a aujourd’hui 3 200 milliards de tonnes de CO2 dans l’atmosphère terrestre, et les émissions des pays développés ne les accroissent que de 5 milliards par an[1]. Il ne faut pas confondre stock et flux ». L’auteur accuse d’ailleurs explicitement le GIEC d’éviter soigneusement de parler de stock, de masse de carbone atmosphérique (ces fameuses 3 200 gigatonnes -GT, ou milliards de tonnes-), et de son augmentation par les émissions d’origine anthropique, qui représentent 0,15 % de cette masse, et de ne s’intéresser qu’au flux, donc à l’évolution des concentrations, passées de 318 ppm -parties par million- dans les années 60, à 410 ppm de nos jours. Alors, doit-on raisonner en termes de stock ou de flux ?

Pour le chercheur en écologie, il ne fait aucun doute que M. Gerondeau se trompe en voulant raisonner en termes de masses statiques, alors qu’il étudie un phénomène dynamique, et qu’il s’agit là d’une erreur dont on découvre grâce à lui qu’elle est très fréquente, et probablement due à la méconnaissance du fonctionnement d’un écosystème. Pour expliquer cette critique, voici une petite analogie, tout en reconnaissant très volontiers que « comparaison n’est pas raison » : imaginons un bassin, alimenté par un robinet. Or ce robinet fuit, disons d’un litre par jour. Si le bassin est plein (ou dès qu’il est rempli), l’eau va déborder et se répandre sur le sol, avec un débit d’un litre par jour : celui du robinet. Et ceci quelle que soit la taille du bassin : qu’il s’agisse d’un récipient de 10, 100 ou 1000 litres, voire d’une piscine de plusieurs centaines de mètres cubes, le volume (le stock d’eau) ne joue aucun rôle dans l’inondation. Seul le débit de la fuite (le flux) doit être pris en compte.

Tout en se gardant d’assimiler l’écosystème avec un ensemble aussi simpliste qu’un bassin et un robinet, le principe n’est pas très différent. Il y a en effet une masse de carbone gigantesque dans notre planète, bien supérieure d’ailleurs à celle que M. Gerondeau prend en compte, puisqu’il se limite volontairement au CO2 atmosphérique (ou plutôt, si j’en crois ses chiffres, au binôme écosystème terrestre – atmosphère) : en effet l’évaluation la plus généralement acceptée donne pour l’ensemble du CO2 atmosphérique une masse (un « stock ») de 850 GT. Si l’on ajoute au CO2 atmosphérique les 2 300 GT contenus dans la biomasse et les sols (la partie de la croute terrestre soumise aux effets biologiques), trois masses qui interagissent en permanence, nous arrivons en effet au même ordre de grandeur que les 3200 GT de l’auteur. L’océan quant à lui en contient près de 40 000 GT. Enfin la lithosphère (les roches) tiennent en réserve 20 000 000 GT de carbone, même si, pour l’essentiel, il ne s’agit pas de CO2. Il est certain que face à ce « stock » (20 043 000 GT au total), en termes de masse, la contribution anthropique (20 à 30 GT, soit 0,0001 %) est insignifiante. Et même si l’on omet la lithosphère qui n’est pas directement impliquée dans les échanges avec l’atmosphère, mais en incluant l’océan, dont les interactions avec l’atmosphère sont essentielles, le résultat est finalement peu différent d’un point de vue fonctionnel (0,03 %).

Mais si l’on s‘intéresse à la dynamique de ces masses de carbone, les perspectives sont tout à fait différentes. Notons tout d’abord que le bilan des usages est nul : environ 120 GT de carbone sont absorbées par la biosphère chaque année pour la photosynthèse, et autant sont restituées à l’atmosphère par la respiration ; de même, en ce qui concerne l’océan, photosynthèse et respiration s’équilibrent. Enfin les échanges océan-atmosphère, qui sont d’environ 90 GT par an dans les deux sens, sont eux aussi équilibrés.

On le voit, à notre échelle de temps (disons, à l’échelle de 10 000 ans) le bilan est nul, les flux symétriques sont équivalents, et l’écosystème planétaire fixe autant de CO2 qu’il en libère : notre « bassin » est plein et, vu de l’extérieur, tout est stable.

Là-dessus l’humanité commence, avec sa période industrielle, à émettre du CO2, de façon certes infiniment modeste eu égard aux « stocks » : entre 10 et 30 GT suivant les bases de données[2]. Mais ce CO2 n’est pas inclus dans les grands flux naturels : ceux-ci ont été « fixés » il y a très longtemps, à l’échelle d’une ère géologique, et leurs variations sont si lentes qu’on peut les considérer comme stables à notre échelle de temps ; nous verrons plus loin tout ce que cela implique. Alors « la fuite » de notre robinet de CO2 apparaît elle aussi dans les mesures de concentrations dans l’atmosphère, et nous avons vu que nous sommes passés de 380 ppm au début de l’ère industrielle à 410 ppm depuis quelques années. Et cette augmentation fait toute la différence.

Bien sûr tout ceci est connu et a été très souvent critiqué par les scientifiques de toutes tendances. Il y a d’ailleurs eu une évolution intéressante dans ces analyses. Les premières critiques climatosceptiques, celles par exemple de Vincent Courtillot et Claude Allègre, niaient en bloc l’existence d’un changement climatique. On se souvient que M. Courtillot donnait comme « preuve » de cette absence de tendance au réchauffement le fait que la température du globe s’était au contraire légèrement refroidie dans les années 60-70. Le recul aidant, on peut se demander pourquoi, et surtout comment de telles positions ont pu être défendues. Une seule explication scientifique peut être donnée : si cette augmentation des GES (Gaz à Effet de Serre) dans l’atmosphère et son effet sur le climat donne lieu à d’innombrables controverses, c’est que tout cela interagit avec une grande quantité d’autres causes et d’autres effets, et que la complexité des échanges, des mécanismes et des rétroactions dans l’écosystème mondial peut mener parfois à des conclusions contradictoires. Puis, le réchauffement étant devenu visible en tout temps et en tous lieux par les personnes les moins expertes en écologie, les critiques ont, elles aussi, évolué. Le livre de M. Gerondeau est un bon exemple de cette évolution vers des analyses et des critiques plus fondées que les précédentes. Il semble admettre parfaitement le réchauffement climatique. Simplement, il estime que l’action humaine n’en est pas la responsable car elle est insignifiante par rapport aux grands flux naturels, et ne justifie donc aucun effort pour la réduire.

Pour répondre à cette critique, parfaitement recevable du point de vue scientifique, il faudrait pouvoir montrer un exemple dans l’environnement où cette augmentation aurait un impact mesurable, net, sans équivoque, et que l’on ne puisse imputer à aucune autre cause.

Voilà qui tombe bien, cela existe. Il y a en effet un cas sans ambiguïté, que personne ne remet en cause : l’acidification des océans. De quoi s’agit-il ? Les chercheurs ont observé que depuis le début de l’ère industrielle, le pH des eaux superficielles des océans a diminué, passant de 8,25 à 8,14 (le pH est une échelle de mesure de l’acidité qui va de 0 à 14[3] : un pH de 7 est neutre -cas de l’eau distillée- ; s’il est supérieur à 7 le milieu est alcalin -cas de la soude-, s’il est inférieur à 7 il est acide). Cela paraît insignifiant, un peu comme les 0,03 % de CO2 en plus dans l’atmosphère, mais si l’on considère à la fois le volume gigantesque de l’océan mondial et la stabilité du système-tampon que représente l’eau de mer, qu’une telle « masse » d’eau ait pu voir évoluer son pH aussi rapidement est stupéfiant. Par ailleurs ce pH a été si stable auparavant que tous les cycles et les systèmes biogéochimiques dans l’océan se sont adaptés très précisément à cette valeur et que la moindre variation aboutit à des bouleversements sérieux de l’écosystème marin. Une acidification même légère va troubler les cycles des carbonates par exemple, et en particulier les carbonates de calcium, qui sont essentiels pour presque toute la vie marine (les coquillages, les crustacés, les coraux, de nombreuses espèces d’algues, de poissons, d’invertébrés, sans parler des échanges géochimiques, comme la formation des carbonates de calcium qui se retrouvent au fond des océans et sont un des principaux pièges à carbone, etc.). Or : (1) cette augmentation du pH ne peut provenir que de l’augmentation de CO2 dissous dans l’océan ; et (2) la SEULE source de CO2 additionnelle permanente[4], celle qui rompt ces équilibres et aboutit à une acidification, c’est la production de CO2 d’origine anthropique. Alors, même si les « stocks » sont encore plus déséquilibrés que dans le cas de l’atmosphère, puisque ce ne sont plus 3 200 GT qui sont en jeu, mais 40 000, face aux 20-30 GT émis par l’homme, la preuve est bien donnée que cette source additionnelle change les équilibres écologiques dans l’océan. On ne voit pas pourquoi les choses seraient différentes dans l’atmosphère : appliquant le « rasoir d’Okham » à notre raisonnement, nous avons là une hypothèse simple et unique pour expliquer les deux phénomènes, acidification et réchauffement climatique.

Je disais que les grands flux naturels ne peuvent varier que très lentement, et il me semble important de rappeler l’importance majeure de ce point. En effet on entend depuis très longtemps des propositions de soi-disant « experts[5] » pour réguler le CO2 atmosphérique,  comme celle qui prétend rééquilibrer les échanges en absorbant les émissions de CO2 excédentaires par une augmentation de la production végétale, par exemple par des plantations de forêts ou l’épandage d’engrais en mer. Ces arguments sont absurdes, et l’exemple de l’océan nous le montre bien. Il est vrai que la concentration en CO2 dans l’atmosphère (comme dans l’océan) est très inférieure à la capacité des végétaux à l’utiliser via la photosynthèse, ce qui est démontré par le fait qu’en ajoutant du CO2 à l’air dans des serres fermées, on augmente la croissance des plantes. Cette observation a poussé certains à affirmer que l’augmentation de CO2 par apport des émissions industrielles était plutôt une bonne nouvelle pour la planète en général et l’agriculture en particulier, et que de toutes façons, augmenter les surfaces « vertes » sur la planète allait résoudre le problème. L’erreur écologique (dans le sens scientifique du terme), c’est que cette augmentation de CO2 ne s’applique pas simplement à la photosynthèse, « toutes choses égales par ailleurs ». Elle joue, comme nous venons de le voir pour l’océan, sur l’ensemble des cycles biogéochimiques qui font vivre l’écosystème. Ces cycles sont faciles à maîtriser dans une serre, impossibles dans le monde ouvert.

Voici deux exemples qui n’ont rien d’exotique ou de compliqué. Le premier se trouve en mer, le long de nos côtes atlantiques (Manche et golfe de Gascogne). Il y existe une « algue calcaire », le maërl, bien connu des pêcheurs et des exploitants de sable marin, qui élabore un squelette calcaire à partir de carbonates de calcium. Une augmentation de CO2 pourrait en effet favoriser la croissance de cette algue par une augmentation de son pouvoir de photosynthèse ; mais comme en même temps elle change le pH de l’eau, et donc la capacité de l’algue à construire son squelette calcaire, elle ne peut à terme qu’aboutir à l’effondrement de la population d’algues. Quant au deuxième exemple, terrestre celui-ci, il nous ramène à cette année 2022 : puisque l’augmentation de CO2 dans l’atmosphère s’accompagne dans notre pays d’une période de canicule et de sécheresse, l’œil le moins averti peut se rendre compte que les plantes de notre pays ne profitent en rien de cet enrichissement : elles sont clairement en état de détresse hydrique, et leur croissance est complètement bloquée.

Comme je le signalais plus haut, l’environnement s’est équilibré autour des proportions actuelles des éléments qui composent l’écosystème, et tous les cycles biochimiques sont construits sur ces valeurs. Nous mammifères sommes adaptés à respirer un air contenant 21 % d’oxygène, ni plus ni moins, et tout changement de cette proportion nous serait fatal : nous souffririons autant d’anoxie à moins de 21 % que d’hyperoxie au-delà de cette valeur. Bien entendu équilibre ne signifie pas stabilité, et tout ceci varie au cours des ères géologiques : après tout, ce n’est qu’une fois la photosynthèse élaborée par les cyanobactéries du précambrien que de l’oxygène gazeux a pu se retrouver dans l’atmosphère. Mais ces variations se font avec une lenteur extrême (à nos yeux), avec des rééquilibrages multiples qui transforment en douceur l’environnement. Rien de tel ici, où la brutalité de l’apport en CO2, même à des niveaux qui peuvent paraître « insignifiants » en termes de biomasse, est telle que l’écosystème ne peut que réagir par des changements tout aussi brutaux, comme le réchauffement climatique ou l’acidification des océans nous le montrent.

En conclusion, nous ne pouvons pas suivre Christian Gerondeau dans son analyse de l’absence d’effet des émissions anthropiques de GES dans l’environnement. Il nous faudra en tenir compte au moment d’analyser ses conclusions et propositions.

 LA VOITURE ELECTRIQUE : UNE FOLIE ?

Autant l’on pouvait douter de la culture scientifique de M. Gerondeau en matière d’écologie (je parle de la discipline scientifique), autant sa formation, ses compétences et toute sa carrière nous démontrent que ses propos sont crédibles quand il parle de transports et d’énergie.

A commencer par le rappel simple des lois de la thermodynamique : quoi qu’on dise et quoi qu’on fasse, il est impossible d’augmenter l’énergie dans un système fermé et rien ne peut aller contre l’augmentation de l’entropie. Peut-être faut-il ici citer brièvement les deux plus importantes de ces quatre lois (les deux premières). La première loi est celle de la conservation de l’énergie. Elle stipule que l’énergie globale dans le système fermé ne change pas, quelles que soient les évolutions que subit ce système. La deuxième, qui nous intéresse au premier chef ici, est celle de l’entropie, qui peut s’énoncer ainsi : « Toute transformation d’un système thermodynamique s’effectue avec augmentation de l’entropie globale incluant l’entropie du système et du milieu extérieur ». Autrement dit, si deux milieux initialement à températures différentes sont mis en contact, le transfert thermique spontané se fait toujours du milieu chaud vers le milieu froid, et jamais l’inverse. C’est ce transfert thermique qui permet de récupérer de l’énergie tant qu’il se produit ; une fois la température homogène, il n’y a plus aucun moyen d’en obtenir. C’est en profitant de cette règle que toutes les sources d’énergie fonctionnent : de la machine à vapeur de Cugnot aux centrales nucléaires, en passant par les centrales thermiques à pétrole, à gaz ou à charbon, toutes utilisent une source chaude productrice de gaz à haute pression (vapeur, ou gaz de combustion pour les moteurs thermiques) qui fait tourner une turbine, laquelle, par divers intermédiaires, produit de l’électricité ou du mouvement en augmentant l’entropie du système. Les barrages et les éoliennes fonctionnent de la même manière, mais la turbine est entraînée par utilisation de l’énergie cinétique, retombée indirecte d’une source chaude. Seule l’énergie photoélectrique fonctionne différemment, par extraction de l’énergie des photons. Mais dans tous les cas la règle n’admet aucune exception : toute transformation d’une forme d’énergie en une autre implique une perte de rendement. Le mouvement perpétuel n’existe pas.

Dans ces conditions, vouloir passer à la voiture électrique revient à transformer une énergie, d’où qu’elle vienne (fossile, nucléaire, renouvelable), en électricité, ce qui s’accompagne de pertes pouvant aller jusqu’à 40 % du niveau d’énergie d’origine, plus encore si l’on passe par l’hydrogène. En bilan, pour parcourir une même distance, une voiture électrique consommera toujours plus d’énergie « globale » qu’une voiture, puisqu’au lieu de suivre la filière en trois étapes « essence-moteur-mouvement », elle en nécessite cinq : « électricité-batteries-électricité-moteur-mouvement ». Et avant de prendre la décision de passer au tout-électrique, il faut bien évidemment se poser la question : le jeu en vaut-il la chandelle ? L’analyse faite par C. Gerondeau est sans appel : s’il n’est question que de produire des véhicules électriques en remplacement des véhicules thermiques, « toutes choses égales par ailleurs », il s’agit d’une folie planétaire. En effet dans aucun domaine les voitures électriques ne soutiennent la comparaison avec les voitures à moteur thermique : coût de construction, pollution, autonomie, coût du « carburant » etc. La voiture électrique n’est guère moins polluante (en termes de production de CO2 en particulier) que les autres, si l’on tient compte de sa fabrication, et elle l’est plus si son électricité provient d’une centrale thermique (fuel, gaz ou charbon). Elle présente une autonomie plus limitée, « sur les autoroutes interurbaines, 3 à 5 fois plus faible qu’indiquée par les normes officielles » (entre 100 et 200 km) ; elle est beaucoup plus lourde puisqu’elle doit transporter des batteries de plusieurs centaines de kilos ; elle exige d’extraire des terres rares pour la production de ces batteries à partir de mines excessivement polluantes, lesquelles batteries sont elles aussi polluantes au moment de leur recyclage, etc.

Par ailleurs, l’utilisation de ces véhicules dans les mêmes conditions que les voitures à moteur thermique est pratiquement impossible : leur faible autonomie jointe au temps de recharge imposerait des limitations de vitesses sur les autoroutes, lesquelles auraient besoin, pour la recharge d’un parc automobile « tout électrique » de même dimension que l’actuel thermique, « d’une centrale nucléaire de forte puissance tous les cent kilomètres ».

Et si l’on passe à la voiture à hydrogène, cela devient franchement catastrophique : « si l’on veut produire de l’électricité en passant par l’hydrogène « vert », comme le préconisent les écologistes, le processus implique des rendements désastreux, car l’on retrouve à la fin moins de 30 % de l’électricité d’origine ». En effet C. Gerondeau détaille les 4 étapes de ce passage : (1) produire de l’électricité à l’aide d’installations éoliennes ou solaires ; (2) utiliser une part de cette électricité pour générer de l’hydrogène par électrolyse de l’eau ; (3) en utiliser une autre part pour comprimer à très haute pression ou liquéfier à très basse température l’hydrogène, aux fins de stockage et transport ; (4) utiliser cet hydrogène pour refabriquer de l’électricité. Evidemment, faire de l’électricité à partir d’hydrogène obtenu lui-même avec de l’électricité est, en termes de rendement, un non-sens absolu. Dans ce cas, près des ¾ (plus de 70 %) de l’énergie contenue dans l’électricité d’origine ont été utilisés pour fabriquer… de l’électricité disponible pour le véhicule. Ce qui a un impact sur les coûts, bien entendu : logiquement l’énergie mise à disposition par l’hydrogène est 5 fois plus coûteuse que celle produite par les centrales d’énergie « renouvelable » (sans parler de celle produite par l’essence dans une voiture thermique).

L’argumentaire de C. Gerondeau semble sans faille, et ses conclusions, « les 12 plaies de la voiture électrique », sont convaincantes : durée de rechargement excessif,  incompatibilité avec le fonctionnement des autoroutes interurbaines, autonomie limitée, pollution « globale » (incluant fabrication, usage et recyclage) du même ordre de grandeur qu’un véhicule thermique, amélioration de la qualité de l’air insignifiante, effondrement du prix de l’occasion (du fait du remplacement nécessaire des batteries), lourdeur de l’investissement national, accroissement de la demande électrique, etc. Il est certain que, si l’on accepte les hypothèses de départ de l’auteur (impact écologique insignifiant des GES d’origine anthropique), on peut se demander quelle folie nous pousse à remplacer des véhicules à moteurs thermiques dont les progrès en matière de consommation, de simplicité d’usage, de coût de production, comme de réduction de la pollution, ont été considérables, et qui organisent toute la vie de nos sociétés, par des engins présentant autant de faiblesses.

 A-T-ON BESOIN DE PRODUIRE PLUS D’ELECTRICITE ?

Si l’on accepte les hypothèses de départ de l’auteur, en effet, la question se pose plus largement : où en sommes-nous de notre consommation d’électricité en France ? D’où provient-elle ? Doit-on augmenter sa production, et si oui par quelles techniques ?

Hors transports, tout le monde reconnaît que la consommation d’électricité devrait décroître dans notre pays. Le rapport RTE sur lequel l’Etat s’est appuyé pour élaborer sa politique énergétique le dit clairement : la France va voir baisser sa consommation de 40 % à l’horizon 2050 (Royaliste, n° 1236). On peut alors se rendre compte (et toujours en faisant le choix de ne pas passer au véhicule électrique, c’est-à-dire en continuant d’utiliser du pétrole, à hauteur de 32 % de la consommation totale d’énergie en France, soit 41 Mtep[6]) que la production électrique de notre pays est largement suffisante.

Dans ces conditions – et nous le comprenons – C. Gerondeau s’explique mal pourquoi, au lieu de maintenir en vie un parc de centrales nucléaires largement suffisant, n’émettant aucun GES (alors que c’est la raison principale de la construction de centrales solaires et éoliennes), disponibles en permanence suivant les besoins, largement acceptées par la population et encore parfaitement aptes à travailler pendant des décennies, la France s’évertue à fermer des centrales nucléaires encore opérationnelles pour en construire de nouvelles, à diversifier ses sources et à construire à grands frais des centrales « vertes » dont le moins qu’on puisse dire est qu’elles présentent un grand nombre de problèmes et d’incertitudes. Les arguments principaux de l’auteur pour ne pas construire de nouvelles centrales, quelles qu’elles soient (nucléaires ou renouvelables), et se contenter de poursuivre l’exploitation des centrales nucléaires actuelles sont les suivants : pas d’augmentation de la consommation à prévoir, avec une capacité de production actuelle largement supérieure aux besoins ; un parc de centrales nucléaires qui « peut être indéfiniment prolongé s’il est correctement entretenu » ; le savoir-faire qui existe en France pour cet entretien, à un coût qui sera « incomparablement plus faible que celui de la construction de nouvelles centrales » ; enfin, avec une telle politique, les tarifs d’électricité les plus faibles d’Europe.

Dans cette optique (j’insiste : toujours si l’on accepte les hypothèses de départ de l’auteur), il est certain que le projet de construction d’une dizaine d’EPR et de champs d’éoliennes représente une absurdité sans nom, dont la seule justification serait d’obéir à un lobby s’appuyant sur les écologistes, et en particulier, selon C. Gerondeau, les « Grünen » allemands.

Mais nous avons montré à quel point ses conclusions nous paraissent erronées, et nous ne pouvons donc pas le suivre dans ses conclusions sur la politique énergétique de la France. Néanmoins ses critiques sur la voiture électrique, sur la production d’hydrogène, sur la vie des centrales nucléaires, sur la production électrique en France, etc., gardent toute leur force, et c’est en tentant de les prendre en compte que nous devrons tenter une analyse prospective sur le devenir du parc automobile et plus généralement sur la production d’électricité en France, avec comme principe d’en finir avec les énergies fossiles à l’horizon 2050.

La première conclusion qui s’impose, une fois admis que les émissions de GES d’origine anthropique sont une des principales causes de réchauffement, c’est que la réduction de ces émissions doit être une priorité absolue, passant devant d’autres causes de pollution ou d’autres effets de cette pollution, « quoi qu’il en coûte ». Il faut donc limiter au maximum l’usage des énergies fossiles comme source d’énergie et utiliser des alternatives, en acceptant leurs contraintes. Et dans le cas des transports, la première étape consiste bien à passer à la voiture électrique, ou tout au moins à la voiture sans combustible fossile (essence ou gazole, et même gaz naturel).

Une telle décision nous rallie aux conclusions du RTE, qui note que dans ces conditions, et pour atteindre une énergie « zéro-carbone » en 2050, même si la consommation d’énergie globale n’augmente plus, il faudra augmenter la production d’électricité pour compenser l’abandon du pétrole destiné aux transports. Cela exigera, une fois noté qu’il y aura une réduction de 40 % de la consommation finale hors transports (passant d’environ 1 600 TWh à 930 TWh), une augmentation de sa production d’électricité, de 500 TWh actuels à 645 TWh en 2050. Rien là de choquant, et l’on peut comprendre les réticences de l’auteur puisqu’il refuse l’abandon du pétrole comme source de combustible pour les transports ; mais si on accepte cette contrainte, l’option du RTE reste la seule envisageable.

Cela pose deux questions : quelles sources d’énergie électrique doit-on favoriser ?  Comment supprimer les véhicules à moteur thermique et par quoi les remplacer ?

LA VOITURE ELECTRIQUE : UNE EVOLUTION NECESSAIRE ?

La voiture électrique, pour le moment, semble l’alternative la plus immédiatement opérationnelle. En effet les voitures électriques existent sur le marché, elles fonctionnent, l’organisation de la distribution d’électricité est en train de se mettre en place, les clients existent, ce qui n’est pas encore le cas des véhicules à hydrogène. Cela dit, C. Gerondeau n’a pas tort de nous énumérer tous les problèmes et inconvénients de ce type de véhicule, qui ne semble pas en mesure, tout au moins dans un avenir aussi proche que l’horizon 2050, de remplacer la voiture thermique. Les défauts qu’il a identifiés et dont nous avons présenté la liste restent rédhibitoires si l’on songe à simplement remplacer un parc automobile par un autre.

La question qui se pose alors n’est peut-être pas sur le choix d’un type de moteur, mais sur l’usage que fait la société de ce genre de véhicule particulier. Ici aussi, le livre de C. Gerondeau apporte des informations précieuses. Il nous rappelle en effet quelques évidences : « Pour l’opinion publique, les transports terrestres se répartissent plus ou moins entre la voie ferrée et les transports collectifs d’une part, et les transports individuels, automobiles et camions d’autre part. La réalité est très différente. L’automobile assure 90 % des déplacements motorisés des personnes, et les camions répondent à 99 % des dépenses de transports, sur le territoire national, des marchandises, le fret ferroviaire ayant pratiquement disparu. (…) les différents modes de transports ne sont pas des vases communicants (…). La distance moyenne des trajets quotidiens en voiture est de 10 km, contre 3 pour le vélo et moins de 1 pour la marche à pied ».

Nous nous trouvons alors devant une série de conditions incompatibles :

  • La voiture comme moyen de transport individuel est irremplaçable ;
  • La voiture électrique n’est pas la solution ;
  • La voiture à hydrogène n’est pas pour demain ;
  • Et nous ajouterons à ces trois observations faites par C. Gerondeau que, contrairement à lui, nous considérons indispensable de cesser dès que possible d’utiliser des moteurs à combustible fossile, pour réduire les GES.

On voit bien qu’il est, dans l’état actuel de notre société, impossible de « supprimer » la voiture, puisqu’elle assume la quasi-totalité des transports individuels. Ni même d’en réduire l’usage, dès que le trajet dépasse 5 ou 6 km, ce qui est souvent le cas : le vélo ne semble pas dépasser cette autonomie. La voiture électrique n’est probablement pas capable de remplacer les voitures à moteur thermique dans les déplacements interurbains, pour les raisons évoquées précédemment : faible autonomie, exigence excessive en approvisionnement électrique sur une autoroute, etc. En revanche elle est beaucoup plus facile d’utilisation en ville, pour des trajets courts (ces fameux trajets moyens de 10 km), en présentant en outre les avantages de moteurs silencieux et non polluants en ville. C’est d’ailleurs ce que l’on observe, car si l’on croise nombre de voitures hybrides sur autoroutes (trajets qu’elles accomplissent en utilisant leur moteur thermique), les véhicules 100 % électriques sont beaucoup moins fréquents.

On pourrait incidemment penser que la voiture hybride, justement, est la solution, puisqu’elle utilise son moteur électrique en ville et son moteur thermique en interurbain. Mais c’est probablement au contraire la pire des solutions, puisqu’elle continue à utiliser des combustibles fossiles, et que son rendement est faible, comme les lois de la thermodynamique nous l’ont enseigné, puisqu’elle utilise un carburant (l’essence) pour produire un carburant (l’électricité).

Mais nous avons un impératif :  il est absolument nécessaire, au moins pour les décennies qui viennent, de remplacer le pétrole utilisé par les transports par une autre source d’énergie. Dans ces conditions, il semble bien que la seule solution envisageable soit le développement de l’option hydrogène, même s’il s’agit d’un « non-sens » en matière de rendement, puisque, une fois résolues les questions de stockage et de transport de l’hydrogène, cette voiture ne présente pas les défauts de la voiture électrique. C’est une « simple » question d’ingénierie. Il faut d’ailleurs relativiser cette idée de « non-sens » en ce qui concerne l’hydrogène. La grande différence avec l’énergie issue du pétrole ou du nucléaire, quand on parle de rendement, c’est que les « énergies renouvelables [7]» sont gratuites : un rendement même faible devient alors acceptable. Il faut acheter du pétrole ou de l’uranium aux producteurs, alors que le vent et le soleil sont mis gratuitement à notre disposition. En contrepartie, la production d’énergie « renouvelable » est par nature intermittente : elle présente la caractéristique de dépendre des éléments, et pas des plans de consommation de la société. Nous pouvons donc soit en manquer (incidemment, nous voyons tout l’intérêt de garder des sources régulables), soit en produire trop ; et l’électricité n’est pas comme le pétrole, elle n’est pas stockable « pour plus tard ». Si elle n’est pas utilisée immédiatement, elle est perdue. La filière hydrogène est une façon de conserver au moins une part de cette électricité autrement perdue, en l’utilisant pour catalyser l’eau. Donc la question des logiques de rendements, tant thermodynamiques qu’économiques ne se pose pas pour l’hydrogène comme elle se pose pour les autres sources d’énergie, ou elle se pose dans d’autres termes : dépenser de l’électricité pour fabriquer de l’hydrogène n’est pas si absurde que cela. Mais même dans ce cas, les observations de C. Gerondeau gardent toute leur valeur, et il faut garder en mémoire que le coût de création d’une filière hydrogène vert sera extrêmement élevé.

N’étant pas expert en transports ni en énergie, il m’est difficile d’aller plus loin dans une analyse sur ces thèmes. Tout au plus peut-on indiquer quelques pistes sous forme de questions pour les spécialistes, sans savoir si elles sont réalisables ou stupides.

Christian Gerondeau insiste fortement sur la différence entre les trajets locaux (qui font en moyenne 10 km) et les trajets interurbains. Ses remarques sur l’impossibilité pratique de réaliser ces derniers en voiture électrique semblent fondées. On peut alors se poser la question suivante : si la voiture du futur est électrique, ne devrait-elle pas être conçue pour ces trajets locaux uniquement, les voyages plus longs pouvant alors être effectués par train, soit en transportant sa propre voiture, soit en louant une voiture électrique à destination ? Ce n’est évidemment pas l’habitude, encore que l’on voit de plus en plus souvent, sur les autoroutes des vacances, des touristes circulant avec un gros véhicule de camping (motor-home, voire camionnette) qui remorque une petite voiture à utiliser sur les lieux de vacances. C’est justement, le rôle de la politique de voir ces évolutions sociétales et de favoriser ce genre de changement de comportement.

Autre question : si cela n’est pas possible, ne pourrait-on organiser les autoroutes de telle façon que les voitures électriques puissent fonctionner « hors batterie » ? J’imagine par exemple des voies spécialisées comportant des caténaires, des lignes ou des rails électriques, ou leur équivalent : les voitures dans ce cas n’utiliseraient pas leurs batteries (ou pourraient la recharger en roulant) et seraient alimentées en énergie directement par l’autoroute elle-même ;  leurs trajets (direction et vitesse) devraient alors être gérés automatiquement par celle-ci. Science-fiction peut-être, mais applicable dès maintenant en se contentant des IA et des technologies existantes.

Cela dit, il n’en reste pas moins vrai que le fonctionnement d’une société qui exige des individus qu’ils utilisent leurs véhicules personnels pour des déplacements de 10 km afin d’effectuer une quelconque activité, pose question. J’avais calculé, par curiosité, la masse d’acier qu’une journée de travail standard exigeait de mouvoir à Paris, et le résultat, dans les 3 millions de tonnes, donnait quelque chose comme l’équivalent du déplacement, depuis l’Arc de Triomphe jusqu’à la Bastille, aller puis retour, d’un parallélépipède rectangle de 110 m x 110 m x 300 m, soit un volume englobant la tour Eiffel ! C’est évidemment un non-sens écologique, et à terme une telle aberration devrait être supprimée. Mais cela prendra du temps, car une telle réforme engagerait l’ensemble du fonctionnement d’une société urbaine comme la nôtre, dans toutes ses composantes : travail, logement, politique d’urbanisation, transports, ce qui a évidemment des implications fortes sur écoles, services, approvisionnement, commerce de proximité, santé, vie sociale, etc. Bref, sur l’ensemble du fonctionnement de notre société. Voilà qui exigera une véritable révolution.

QUELLE ENERGIE POUR DEMAIN ?

Ici encore, les connaissances et les analyses de C. Gerondeau sont précieuses et peuvent aider à répondre, mais pas dans l’optique de l’auteur : dans celle d’une élimination de nos sources de GES.

Il faut évidemment et en tout premier lieu arrêter nos centrales thermiques, puisque ce sont elles, avec les transports, les grandes responsables de nos émissions de GES en France. La question ne se pose plus guère, et un consensus national existe sur ce point. La baisse de production que cela implique n’est pas très importante en France, puisque notre consommation tend à diminuer et que les trois quarts de notre électricité proviennent déjà des centrales nucléaires.

Or la bonne nouvelle, c’est que nos centrales nucléaires anciennes semblent pouvoir poursuivre leur production pendant encore plusieurs décennies, en produisant assez d’électricité pour les besoins nationaux à un coût défiant toute concurrence, puisqu’elles sont amorties depuis longtemps. Bien entendu, cela ne sera pas si facile, du fait de l’effondrement de notre capacité technique nucléaire :  cela va requérir en effet un gros effort financier pour remettre à niveau notre savoir-faire, renouveler nos spécialistes, mettre au point des techniques fiables d’entretien, etc. Mais il semble bien qu’il s’agisse là d’une priorité absolue.

Cela dit, je ne vois pas la contradiction entre maintenir les centrales existantes et en construire de nouvelles, sachant que nous travaillerions alors pour le long terme. Les petits réacteurs modulaires (PRM : SMR en anglais) sont aussi une voie potentiellement fructueuse, non seulement pour notre approvisionnement, mais pour exporter notre expertise. Le réchauffement climatique, et la sécheresse qui l’accompagne, comme on le voit depuis plusieurs années en France, exigera par exemple de diversifier notre approvisionnement en eau douce, chose que de tels PRM pourraient réaliser le long de nos côtes et dans nos territoires ultramarins par désalinisation de l’eau de mer. Ils peuvent aussi jouer un rôle important dans un trinôme renouvelable-nucléaire-hydrogène. Il faut en effet, comme le dit C. Gerondeau, revoir à la baisse la construction d’EPR si nous conservons les anciennes centrales, mais pas cesser d’en fabriquer : il est nécessaire de poursuivre les progrès dans la conception et la construction de centrales plus sûres, plus productives. N’oublions pas que le nucléaire souffre d’un défaut grave : l’accumulation de déchets radioactifs de très longue demi-vie, que l’on ne sait toujours pas comment éliminer de façon sûre. Etudier de nouvelles approches (dont les EPR) pour remédier à ce défaut sérieux est indispensable. La solution idéale à terme reste, bien entendu, la fusion nucléaire, qui ne produit pas de déchets mais demeure toujours largement hors d’atteinte de nos capacités techniques. Progresser dans cette voie et aboutir un jour à la conception de centrales nucléaire à fusion, solution idéale, ne pourra se faire que si l’on maîtrise ces techniques, donc que si la recherche et l’expérimentation se poursuivent. Mais il n’est pas pour autant évident que nous ayons besoin d’autant d’EPR que ce que le plan énergie de M. Macron prévoit.

Reste la question des centrales solaires et éoliennes. Celles-ci sont beaucoup moins bien acceptées par la population, en particulier les éoliennes, que tout le monde voudrait voir construites loin de chez soi. Pour ma part, ces centrales me semblent pourtant nécessaires, pour diversifier nos sources. On l’a bien vu cet été : de nombreuses centrales construites sur des fleuves (le Rhône en particulier) doivent fermer du fait de la réduction des débits et du réchauffement des eaux. C’est au contraire dans ces moments d’intense chaleur et de canicules que les centrales solaires sont les plus efficaces. Par ailleurs, comme je le notais, la source d’énergie est disponible gratuitement, ce qui n’est pas le cas pour les centrales nucléaires : nous sommes toujours tributaires de nos fournisseurs étrangers pour l’approvisionnement en matières fissiles. Elles doivent aussi et prioritairement donner lieu à des recherches et à des progrès en matière de construction propre et d’insertion dans le paysage terrestre et maritime, ce qui n’est pas tâche aisée.

Par ailleurs il semble bien que ces centrales n’aient d’intérêt que si elles sont couplées à des usines de production d’hydrogène, qui sont la solution à l’intermittence de la production « renouvelable ». Une filière hydrogène semble donc nécessaire, et étroitement liée au développement des centrales « vertes ».

On voit qu’au contraire de l’opinion de C. Gerondeau sur l’inutilité du plan énergie proposé par le RTE et approuvé par le gouvernement, il nous semble que ce plan pose les bonnes questions et présente nombre de bonnes suggestions (hors la fermeture des vieilles centrales, nous sommes bien d’accord avec C. Gerondeau). Quant à sa mise en œuvre, nous avions déjà fait part de nos doutes sur sa faisabilité par un gouvernement entièrement soumis aux diktats de Bruxelles (Royaliste n° 1236).

Enfin, il faut également penser à économiser l’énergie. Le temps où l’on trouvait normal de multiplier par deux notre consommation tous les dix ans est révolu. Ceci est évidemment valable pour des pays comme le nôtre, qui ont largement achevé la construction de leurs infrastructures ; pas encore pour les pays en développement, comme le signale C. Gerondeau qui note avec raison le lien entre développement et disposition d’énergie. Reste à trouver comment permettre cette augmentation de l’approvisionnement électrique dans ces pays, sans pour autant mettre en danger leur économie ni la vie de notre planète. Vaste programme…

François GERLOTTO

[1] 16 à 30 milliards pour l’ensemble des pays du monde, soit trois à six fois plus, mais étant donnée la différence des ordres de grandeur des masses, cela ne change rien à l’analyse.

[2] Notons tout de même que l’on arrive ici à des ordres de grandeurs comparables aux flux d’échange entre photosynthèse et respiration dans l’ensemble terre-atmosphère, puisque cet apport anthropique représente 20 à 25 % des 120 GT utilisées dans cet échange.

[3] Plus exactement, qui tend vers 0 pour les solutions les plus acides, et vers 14 pour les plus alcalines.

[4] Il y a bien entendu une autre source de CO2 : celui provenant des éruptions volcaniques sous-marines. Mais son introduction est locale, aléatoire sur le court terme, et constante sur le long terme. Il ne peut donc en aucun cas aboutir à une évolution régulière du pH de l’océan mondial.

[5] L’INA a ressorti récemment une séquence de l’émission Les Dossiers de l’Ecran (Antenne 2, émission du 4 septembre 1979) où le volcanologue Haroun Tazieff décrivait avec précision l’évolution du réchauffement climatique, ses causes et ses effets s’il dépassait 2 degrés. Il était contredit par un Jacques-Yves Cousteau bien mal inspiré, qui de son côté appuyait cette idée irréaliste de plantations captatrices de CO2.  (https://www.facebook.com/Ina.fr/videos/1908705796091218/?t=2)

[6] Millions de tonnes-équivalent pétrole

[7] Elles ne sont évidemment pas renouvelables, cette terminologie laisse penser qu’elles n’obéissent pas aux lois de la thermodynamique. Simplement, et à notre échelle humaine, elles sont « infinies » et disponibles en permanence.

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